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site de Roland Goeller
20 novembre 2009

Littérature et technocratie

 

L’une et l’autre placent l’homme, les hommes, au cœur de leurs préoccupations réciproques. L’une et l’autre déversent dans leurs oreilles des mots et encore des mots, comme puisés dans une corne d’abondance sans fond.

Mais seule la technocratie détient la vérité (prétend-elle), lorsque la littérature doute encore. La technocratie sait. Sachant, elle conjugue ses verbes au futur, face à telle question, nous ferons, nous prendrons telles mesures, nous allouerons telles lignes de crédits …

Pour savoir, la technocratie a procédé à des études, des analyses, des audits, des consultations publiques, des référendums. De façon redondante et itérative. On ne peut lui reprocher de ne pas chercher le consensus. Elle utilise volontiers la première personne du pluriel, nous ferons. Elle s’inclue sans hésiter parmi ceux qui feront. Elle parle en leur nom. Je crois que la caractéristique propre de la technocratie est de parler au nom des autres, de tous, de tous les autres y compris soi-même, perçu comme un autre. D’où la première personne du futur de l’indicatif. 

Il y a là comme une injonction.

La démocratie ne réduit pas la technocratie, elle la conforte. En désignant leurs représentants, les citoyens leur remettent les clés du pouvoir auquel la technocratie fournit les instruments. La technocratie existe parce qu’il y a délégation du pouvoir, d’une certaine façon, abdication.

La littérature, quant à elle, a pour mission de dire aux hommes ce que la technocratie ne leur dit pas. Non que cette dernière commette sciemment des omissions. La plupart du temps, la technocratie croit dur comme fer à ce qu’elle dit et dit ce qu’elle croit. Mais ce qu’elle croit et dit n’est jamais que la condensation de ce qu’elle croit avoir entendu. Car la technocratie n’invente rien, son rôle consiste en la recherche du dénominateur commun. Il appartient dès lors à la littérature, notamment, de « regarder ailleurs », au-delà, en deçà.

Par vocation, la littérature propose une vision sans cesse nouvelle. La technocratie au contraire veut durer, perdurer, ses stratégies n’envisagent pas de rupture. La technocratie concentre l’expertise, un technocrate n’est compréhensible que pour un autre technocrate du même domaine. Ecouter les technocrates s’entretenir, c’est comme écouter parler chinois. La technocratie exclue le profane, considéré d’emblée comme un incompétent. La technocratie consent à communiquer, à ce profane incompétent, la sublime vision dont elle seule connaît les arcanes. La communication est l’art de transformer en langage béotien ce que la technocratie feint de croire que les citoyens adultes ne comprendraient pas. La communication est ce paradigme consistant à s’adresser à des adultes comme s’il s’agissait de béotiens et ensuite de s’étonner qu’ils posent des questions pertinentes.

La littérature, à l’inverse, ne s’embarrasse pas de ces finesses. Elle est sans calcul. Elle veut partager la vision entre un maximum de personnes pour en faire des visionnaires. Le texte littéraire doit avoir la fluidité et la simplicité pour être à la portée de quelqu’un qui ne sait pas lire (ce quelqu’un saura écouter). La littérature est un mouvement de démocratie directe.

 

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