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site de Roland Goeller
26 décembre 2009

Cyberpensée

 

Nous ne sommes qu’à l’âge de la pierre du développement de l’informatique et de ses technologies associées, me disait un ami. Comment l’entendait-il, lui demandé-je.

Le clavier et la souris, ces multiples touches et cliques, c’est beaucoup trop compliqué, me répondit-il, il faut imaginer, dans un futur proche, la possibilité d’une greffe humaine susceptible d’établir une connexion directe entre le cerveau et le processeur, imaginer le processeur comme un nouvel organe du corps, avec lequel le cerveau communique par influx électro-nerveux ! De même, ajouta-t-il, il sera possible de faire exécuter à une machine certaines fonctions simples à partir de l’émission d’un ordre vocal.

Ah, me dis-je.

Mon ami évoquait ces perspectives non sans une admiration édifiée. Quant à moi, je me mis à rêver face à cet avenir radieux et ces lendemains qui chantent.

« Donne-moi un verre d’eau !»

Quels sont les pré requis nécessaires à un robot pour exécuter un ordre de cette nature ? Dans la sphère domestique, l’eau est un liquide disponible au robinet ou en bouteilles plastiques délivrées par la grande distribution. A l’évocation du son « eau », le robot devra se référer à l’association (eau=robinet ou bouteille plastique). Cependant, les robinets vont par deux et rien dans l’ordre donné ne signifie de façon explicite que le demandeur voulait de l’eau froide. Car c’est bien d’eau froide ou fraîche dont le demandeur avait envie. Implicitement, lorsque quelqu’un demande « donne moi un verre d’eau », c’est pour boire cette eau. Cette eau devra donc être fraîche, mais cela n’est pas dit dans la phrase. Cela se déduit du contexte dans lequel se trouve le demandeur. Une solution pourrait consister à éduquer tous les demandeurs pour qu’ils formulent leurs demandes de cette façon : « Donne-moi, céans, dans un récipient en verre de forme cylindrique, de 20 cm3 de capacité, une quantité de 15 cm3 d’eau à 10 degrés Celsius, répondant aux normes sanitaires de l’eau potable ». Il est possible que l’exécution de cet ordre soit plus aisée, le robot sachant exactement à quoi s’en tenir quant au cm3, à la forme cylindrique, au degré Celsius, aux normes sanitaires, etc… Cependant, amener tous les demandeurs potentiels à formuler leurs ordres de telle manière, relève de l’utopie et, très vite, il ne manquera pas d’esprits chagrins pour faire remarquer qu’à ce compte là, il vaut mieux en rester aux anciennes méthodes, lesquelles consistent, pour chaque demandeur, à chercher leur verre d’eau eux-mêmes. Et, dans le même esprit, ces derniers ne manqueront pas de s’interroger, non sans perfidie, sur l’intérêt général qu’il y a à vouloir déléguer à une machine un geste élémentaire dont la réalisation n’a, jusqu’à ce jour et depuis des millénaires, jamais posé problème.

Mais ce ne sont qu’esprits que nous laisserons à leurs chagrins et vieilles lanternes!

Nous en étions à ce problème autrement intéressant, lequel consiste à fournir à une machine les référentiels qui lui permettent d’interpréter un ordre simple, tel « Donne moi un verre d’eau ». Nous supposons que la machine aura identifié l’endroit où elle et le demandeur se trouvent, par exemple, une salle à manger ou une cuisine, et qu’elle sera parvenu à « contextualiser » l’ordre donné. Ainsi, dans une cuisine ou une salle à manger, cet ordre signifiera, en premier choix, que le demandeur veut boire un verre d’eau fraîche et qu’il demande à la machine de lui en apporter un. Nous supposerons aussi que la machine saura qu’elle devra au préalable prendre un verre propre à l’endroit où ils sont rangés habituellement. Nous supposerons aussi qu’en cas de dilemme entre l’eau du robinet et l’eau en bouteille plastique, la machine pourra se référer à une priorité. Nous pouvons supposer qu’avec une description convenable de tous les éléments de contexte, de tous les dilemmes et de toutes les priorités, la machine sera en mesure d’exécuter cet ordre, à notre plus grande satisfaction.

Évidemment, nous avons exclu a priori le cas d’un demandeur fantaisiste qui aurait brouillé les pistes (ou perverti la signification commune du contexte) en réalisant une aquarelle sur la table de sa cuisine. Car la machine saurait-elle que c’est d’eau légèrement tiède dont le demandeur a besoin, pour rincer ses pinceaux par exemple ? Mais quelle idée aussi de vouloir réaliser une aquarelle sur la table de la cuisine ? Dans l’avenir radieux et les lendemains qui chantent, il n’y aura plus âme qui vive pour songer à faire une aquarelle.

Il n’y aura peut-être plus âme qui vive, du tout. 

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