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site de Roland Goeller
26 décembre 2009

Avatars


Pour juger d’une œuvre, il convient de confronter ses intentions à ses propos, ses actes, sa forme. Quelles ont été les intentions de James Cameron dans son film « Avatars » et quelle est la réalité de son œuvre ?

« Avatars » est une grande allégorie qui dans un futur (lointain) met en scène un de ces chocs de civilisation censés nous édifier. De quoi s’agit-il ? Les hommes ont découvert sur une planète (lointaine), Pandora, un minerai aux propriétés extraordinaires. Ils envoient sur Pandora les moyens technologiques et militaires les plus sophistiqués. Tout irait pour le mieux si la faune et la flore de cette planète n’étaient hostiles et qu’elle ne fût peuplée d’indigènes, féroces, s’il faut en croire le colonel chargé de sa sécurité « après ça, vous rêverez de l’enfer terrestre ». Qu’à cela ne tienne, dans la base aux allures de camp retranché de Starwars, des scientifiques poursuivent un programme de recherche destiné à infiltrer parmi les indigènes des clones fabriqués à partir d’ADN mixte.

Jake est l’un des « pilotes » de clones. Mais il arriva ce qu’il arrive souvent dans ce genre d’histoires: la taupe infiltrée s’éprend d’une indigène femelle et finit par épouser sa cause, laquelle n’est autre que la préservation d’un écosystème intégré face à la cupidité des « colons ». Cet écosystème présente ceci de particulier que les hommes qui la peuplent n’ont rien de féroces, bien au contraire, qu’ils sont en étroite communion avec les animaux et la nature (magique à bien des égards), et ceci grâce à de puissants fluides telluriques (liés au minerai convoité) que les indigènes nomment Eywa.

Le combat qui s’engage entre les « colons » et les indigènes n’est pas sans rappeler celui des occidentaux capitalistes (sans foi ni loi, guidés par les seuls intérêts des actionnaires) face aux peuplades primitives d’Amazonie ou d’Afrique. Le fait que les indigènes de Pandora finissent par l’emporter (malgré la suprématie militaire des colons, digne d’Apocalypse Now) révèle le message de Cameron : voilà où mène la cupidité des hommes face à une nature qui, plus que jamais, revendique l’héritage rousseauiste du mythe du « bon sauvage ».

Mais n’oublions pas que nous sommes en pleine « éco-mania » planétaire, que le sommet de Copenhague atteint des sommets de nullité, et que tout témoignage à charge du capitalisme aveugle et cupide rencontre un engouement sans bornes. Dès lors, le cadre étant posé, le film de James Cameron atteint-il son objectif ?

Certes la fable est jolie, et les obstacles que rencontrent le clone Jake et la belle indigène ne manquent de provoquer notre émotion. Cependant, si la fable doit faire mouche, elle se doit d’intégrer tous les aspects de la réalité dont elle se veut l’allégorie. Or je la trouve singulièrement réductrice et caricaturale. Et je ne citerai que deux points dont elle semble avoir fait la regrettable abstraction.

En premier lieu, la société des indigènes est par trop idéalisée et utopique. Ces derniers survivent dans leur milieu hostile, d’une certaine manière par « l’opération du saint esprit ». Jamais il n’est fait mention de la cruauté des rites initiatiques qui éliminent impitoyablement les plus faibles (cf, Claude Lévi-Strauss in Tristes Tropiques). Tous les indigènes naissent sains et bien-portants, ils n’ont jamais besoin d’antibiotiques ou d’aspirines et chacun est en mesure, par la seule force de son regard, de tenir en respect la bête la plus féroce. Si une telle société existe, (ici bas, s’entend) qu’on veuille me la désigner, j’en deviens immédiatement un membre.

En second lieu, les blancs ne sont que de « méchants blancs guidés par une cupidité aussi cruelle que vaniteuse ». Là aussi la réalité est un peu plus complexe. S’il existe bel et bien des blancs cupides, il n’en est pas moins vrai que la gestion d’une société complexe induit la gestion des ressources nécessaires à sa subsistance, ce qui a priori n’a rien de cupide ni de vaniteux. Les peuples qui ne disposent pas de six mois de stock alimentaire sont menacés de famine à la fin de la mauvaise saison. Cela suppose industrie et commerce, anticipation et stratégie …

Le film de Cameron aurait gagné en crédibilité s’il avait mis en scène cette réalité complexe, au lieu d’opposer des bons, trop bons, et des méchants dont on ne souhaite que l’élimination. Mais Cameron a porté ses efforts sur les effets spéciaux, le réalisme morphologique des indigènes de Pandora et la maîtrise de la technologie 3D, plutôt que sur la crédibilité du scénario. Il s’en suit que les spectateurs auront assisté à un beau spectacle, original certes (par ses prouesses technologiques) mais totalement utopique et que, sitôt sortis de la salle de cinéma, ils reprennent tous leurs réflexes d’homo-consomatoribus, persuadés (précisément par le choix de l’utopie) que cela ne sert à rien de faire autrement.

Aussi le message de Cameron est-il en quelque sorte contre-productif, d’autant plus si l’on sait que le film a coûté la bagatelle de 500 millions de dollars, et que sa production repose sur le même genre de machine à fric que Star Wars, Dan Brown, Harry Potter, ou Jurassik Park ! Bref, plutôt que de vous précipiter sur « Avatars » je vous recommande le bon vieux cinéma d’anthologie et de regarder par exemple Ava (Gardner) tard !

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Commentaires
D
Je ne peux pas m"empêcher de penser au film de John Ford, LES CHEYENNES quand on parle de ce film. DANSE AVEC LES LOUPS, aussi (par Kevin Costner). Et apparemment, l'homme dans un fauteuil roulant qui se retrouve dans le corps sain d'un extraterrestre sur une autre planète, c'est le point de départ de "Jupiter et les centaures" ("Call Me Joe"), un classique de la SF dû à la plume de Poul Anderson.<br /> Restent de belles images... au prix fort !
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