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site de Roland Goeller
17 février 2010

Quelle place pour les artistes dans la société civile occidentale?

Il est un curieux paradoxe contemporain: il n’y a jamais eu autant d’artistes et les artistes n’ont jamais aussi peu compté.

Il n’y a jamais eu autant d’artistes, compagnies de danses, orchestres, compagnies de théâtre, saltimbanques, peintres … des amateurs éclairés et des artistes de qualité. La société française en général entend valoriser sa ertété dans le sens de la culture, de l’épanouissement personnel, de la pratique des arts. Une ferveur s’empare de l’opinion publique, ferveur qui s’épanche dans les grands rendez-vous désormais institutionnels : les fêtes de la musique, les salons du livre, les cycles de concerts, les festivals d’été … Une nation entière semble se détourner du monde du travail (dont maints sociologues et experts prémonitoires se réjouissaient de la fin prochaine) pour entrer dans celui de la culture et des arts. Le point d’orgue de ce paradigme de la fin du travail eut lieu pendant la réforme des « 35 heures ». Une nation s’est bercée dans le rêve d’un monde débarrassé du labeur, totalement restitué à « l’ordre et la beauté, luxe calme et volupté ».

Las …, que d’illusions !

Les incantations n’ont pas suffi pour réduire la nécessité du travail, laquelle est plus cruciale que jamais. Mais la nation d’artistes n’en est pas pour autant descendue de son piédestal. Les artistes créent, ils ne s’occupent pas de cette basse besogne consistant à produire. A d’autres celle-là !

A d’autres !

Dans les entreprises il n’y a pas d’artistes. Celles-ci sont entièrement aux mains des commerçants, des gestionnaires et des technocrates. Pourtant, combien il serait bénéfique que les artistes s’expriment sur des questions complexes comme l’aménagement du territoire, les déficits publics, les compétences des collectivités territoriales et les fonctionnalités des automobiles de demain. Combien un regard d’artiste permettrait à ces questions de sortir de leurs ornières, de leurs sentiers battus. Combien ce regard ne donnerait-il pas d’originalité, d’innovation spontanée (et non pas injonctive) !

Mais les artistes sont ailleurs. Ils tiennent les commerçants, gestionnaires et technocrates pour des besogneux (lesquels en retour les tiennent pour de doux rêveurs). Les artistes sont sur le champ du loisir et de l’épanouissement personnel. Ils se gavent de subventions publiques et de politiques de la culture. Ils n’oeuvrent pas à transformer en œuvre d’art le quotidien gris de leurs contemporains, ils s’emploient à leur fournir des œuvres d’art pour les dédommager et les distraire de leur quotidien gris. Ils ne transforment pas les vies en œuvre d’art (les vies, le labeur, le travail, la besogne …), ils vident la vie de sa substance productive pour la gaver d’œuvres d’art dont ils ont normé la production.

Il n’y a jamais eu autant d’artistes et jamais aussi peu dans la société civile. Qu’attendent-ils ? Auraient-ils peur de mettre les mains dans le cambouis ? Un artiste qui n’a pas mis les mains dans le cambouis, qui n’a pas traversé son désert (Rimbaud en son temps l’avait bien compris), n’est pas un vrai artiste, mais un fonctionnaire de la FRAC ou du ministère de la culture. Sa production est à l’avenant, normée, divertissante et somme toute, anecdotique.

 

 

 

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