Personne ou personne
Il n’y a personne ?
En poser la question, c'est vérifier que l’espace est dépourvu de toute présence humaine, que personne ne viendra au guichet où l'on sollicite une information, que nulle main n'ouvrira la porte où l'on vient de frapper. Lorsque personne n'est là pour entendre la question, nulle réponse ne vient en retour. La question reste irrésolue, sans réponse possible. Peut-être est-elle mal posée ?
Mais si, au contraire, quelqu'un avait entendu la question ? Quelqu'un, une personne particulière, même quelconque. Les choses seraient très différentes, car une personne a plus de poids que personne. De même, quelque chose l'emporte toujours sur rien.
Que dirait cette personne à laquelle il est demandé s'il n'y a personne ?
Et, tout d'abord, pour quelles raisons donnerait-elle une réponse ? L'absence dont veut s'assurer celui qui demande, ne concerne pas cette personne en particulier, mais quiconque.
Chaque lettre, cependant, finit par trouver son destinataire, et chaque question, une oreille pour la recevoir. Entendre demander s'il n'y a personne et laisser la question sans réponse, c'est comme laisser entendre qu'il y absence là où, au contraire, il y a présence, c'est ouvrir une boîte de Pandore d'où le vide surgit avec force.
Il n'y a pas personne, est tenté de répondre celui qui a entendu. Il ne s'agit nullement de sa présence particulière dont veut s'assurer celui qui demande, mais de l'absence d'absence. Personne est le fruit d'une double négation avant d'être quelqu'un, de parvenir à la substance de l'être.
Personne, cependant, ne peut être le fruit d'une double négation, la grammaire nous sauve du néant.
Entre personne et personne, il y a un saut, un écart aussi insondable qu'entre rien et quelque chose, qu'entre le néant et l'être.
Personne est une singularité où le langage frôle l'anéantissement.