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site de Roland Goeller
7 mars 2011

Le droit de faire les courses sans écouter du rap.

Mozart ou Vivaldi en musique d’ambiance lorsque, patient et méthodique, cochant au fur et à mesure les mots alignés sur ma petite liste, je range deux paquets de spaghetti, de ceux qui cuisent, al dente, en huit minutes et un pot de confiture, Bonne Maman, Mozart ou Vivaldi, donc, ne me transportent pas dans une allégresse particulière. A peine me fournissent-ils ce petit tempo guilleret qui me permet de me frayer un chemin au milieu de cet entrelacs de caddys, abandonnés par leurs conducteurs peu soucieux d’un quelconque code de conduite et parvenir au bout de ma petite liste sans avoir rien oublié ni être passé trois fois dans la même allée.

Mozart ou Vivaldi en musique d’ambiance, certes ! Marin Marais et autres Fauré ou Debussy n'ont pas autant de chance ! Mozart et Vivaldi, donc, en petits cadeaux sonores offerts par la chaîne de distribution, en sus des échantillons gratuits de yaourts à zéro pour cent de matière grasse et de shampooing hypoallergénique ! 

Mais quand retentissent les premières mesures d’un tube de rap, tandis que je m’empare d’un pot de moutarde, pourtant hermétiquement fermé, je sens comme quelque chose me monter au nez. Je repose le pot mais l’impression subsiste. Le chanteur récite sa mélopée d’une voix monocorde, je n’en comprends pas les paroles, mais je me sens comme pris à partie. Ce chanteur est en colère. Contre quoi, contre qui ? Je ne saurais le dire. Cependant, de l’entendre ainsi tandis que je parviens au rayon des surgelés, je me sens destinataire de sa colère, inclus en elle. Il m’apostrophe tel un juge d’instruction accompagné d’une scie musicale et, d’instinct, je me demande, pour quelles raisons, qu’ai-je fait. Aussitôt me viennent à l’esprit des images subliminales, des reportages sur le mal-être des banlieues. Ce discours m'impute une part de responsabilité. Tandis que je reprends un pot de moutarde (dont j'ai besoin pour assaisonner ma salade), je me sens mis au banc des accusés par ce rappeur vindicatif qui m’interpelle dans ma déambulation consumériste et je me dis, Mon Dieu, j’aimerais bien pourvoir faire mes courses en silence.

Je ne sais par quel abus de langage ou d’approximation sémantique on a rangé le rap dans la même famille que Mozart ou Vivaldi. Je ne sais par quel artifice de diversité l’on s’autorise à distiller des séquences musicales avec 30% de Mozart-Vivaldi, 20% de jazz hot-cool, 20% de reggae, 20% de chanson française et 10 % de rap. Mozart et Vivaldi, tout de même, c’est quelque chose, cela parle à l’âme même dans l'entourage des codes barre et des paquets de lessive, et, comme j’aimerais pouvoir faire mes courses sans écouter du rap.

A vrai dire, j’aimerais les faire sans musique d’ambiance, sans rien écouter d’autre que les bruits ordinaires dans un supermarché, les caddys qui s’entrechoquent, les bribes de conversation autour de listes où quelque chose a été oublié, les boniments des vendeurs qui font l’article, le déclic des tiroirs-caisses et ce murmure de fourmilière qui s’active, rien que cela, mais pas le rap.

 

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Commentaires
A
Lors de ma dernière séance de corvée-courses, voilà ce que j'ai entendu:<br /> http://youtu.be/k3Fa4lOQfbA<br /> <br /> De voir les consommateurs continuer leurs achats comme si de rien n'était dans une ambiance totalement surréaliste m'a beaucoup intriguée. Il m'a semblé qu'ils n'entendaient pas...ou bien qu'ils faisaient semblant de ne rien entendre, gênés par cette présence érotique au milieu des courgettes et autres crèmes desserts. <br /> Mais je m'égare.<br /> <br /> Néanmoins, je me demande encore où va se nicher le marketing.<br /> <br /> Cordialement<br /> Arthémisia
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