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site de Roland Goeller
19 juillet 2011

La longue agonie du livre papier

Ce week-end, Frédéric Martel publie dans Marianne un article intitulé : «faut-il avoir peur du livre numérique ?». En expert de la question, il fait un constat sans concession : si le livre électronique doit constituer une menace, alors cette menace est actuelle, non pas à venir. Car «selon une étude …, 12% des américains possèdent désormais une liseuse de type Kinkle ou Nook, et 8% un tablette de type iPad ou Xoom …, le taux de pénétration pourrait atteindre 25% de la population américaine fin 2012». Les livres papiers vont-ils devenir des livres «rares», déjà ironiquement baptisés «tree books», disqualifiés aux yeux d’un certain prêt à penser écologiste ? Frédéric Martel nous dit, et on veut bien le croire, que la réponse dépend de l’âge de la personne interrogée, les plus jeunes bien sûr prétendant «vivre déjà sans avoir recours au papier».

Il serait intéressant de questionner ces mêmes jeunes sur leurs lectures et de vérifier si Dostoïevski et Kafka figurent encore parmi celles-ci. Sans doute y a-t-il peu de risques de disqualifier ou banaliser ces deux auteurs, ainsi que de nombreux autres, consacrés voire sanctifiés, estampillés d’excellence et d’universalité. Mais en ira-t-il de même pour les auteurs actuels ou à venir ?

Frédéric Martel note que l’avènement du livre électronique constitue une menace pour les intermédiaires : éditeurs, bibliothèques, libraires, diffuseurs voire critiques. Car cette «désintermédiairisation» divise par deux les coûts de production et diffusion des ouvrages et Frédéric Martel encourage les auteurs à exiger dorénavant de meilleurs contrats. Mais les auteurs seront-ils pour autant épargnés par ce tsunami du livre électronique et restera-t-il encore des éditeurs (à l’heure où l’auto-édition est accessible à tout un chacun)?

Bien sûr nul ne sera contrarié dans sa vocation à écrire et d’une certaine manière, «l’écriture numérique» (sur ordinateur) favorise la production littéraire. Cependant il y a écrire et écrire et la menace qui pèse sur les intermédiaires pèse peut-être aussi sur les auteurs. Car un auteur est-il encore auteur sans système de sélection qui le consacre en tant qu’auteur et qualifie la reconnaissance attendue? Et les blogs de littérature foisonnent sur la toile, malgré la qualité de quelques uns prendront-ils la relève des tamis littéraires qu’exercent les officines telles « Lire » ou « Magazine littéraire », elles aussi menacées de disparition par l’avènement du livre numérique ? Bref, connaîtrions-nous encore Hugo, Flaubert ou Tolstoï sans cet appareil intermédiaire, parfois injuste, parfois cruel, mais souvent pertinent, qui «flèche» l’attention du lecteur ?

Sans doute Frédéric Martel a-t-il bien raison de nous alerter sur les menaces inhérentes au livre électronique mais il serait vain, comme il le souligne du reste, que nous nous y opposions. De même que les jeunes oreilles ont délaissé les vinyles et les CD pour se ruer sur le streaming, il y a fort à parier que les jeunes lecteurs n’éprouveront plus notre nostalgie à tourner des pages papier et tenir en mains un ouvrage que ne menace nulle singularité numérique. Il reste désormais à l’appareil à évoluer, non vers la «désintermédiairisation» mais vers la dématérialisation, à trouver comment valoriser sa valeur ajoutée, à se «couler» dans un mouvement aussi inexorable que rapide.

Quant aux auteurs, éditeurs, libraires, si le livre électronique ne constituait de menaces qu’à leur encontre la question ne serait pas dramatique, elle le devient si on veut bien considérer que la menace pèse jusque sur le lecteur dans sa légitime aspiration à la littérature.

Nb : il faut continuer à payer des gens à dire du mal d’un grand nombre de livres afin qu’ils puissent nous indiquer les quelques livres dont il n’y a pas de mal à dire.

 

 

 

 

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Commentaires
D
Ah chouette !<br /> Comme ça cher Roland tu me dédicaceras ton dernier roman sur ma tablette tactile. Ça sera chiant de lire la météo après ou une vidéo, mais tant pis, j'aurai ton gribouillis.<br /> <br /> Je me demande qui est le plus imbécile : celui qui dit qu'il vit sans le recours au papier ou bien celui qui le croit ?
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