L'inconscient collectif français regarde-t-il vers le passé ou vers l'avenir?
Le premier tour des « présidentielles » est passé. On connaît le nom des deux candidats que les urnes départageront le 6 mai prochain. En attendant, la campagne fait rage, la vraie campagne et non pas ces fausses primaires que constituent un premier tour aux airs de caricature, avec des candidats « représentatifs » et d’autres qui ne le sont pas.
La campagne fait d’autant plus rage qu’elle est brève : deux semaines, c’est peu quand il s’agit de confronter deux programmes, de surcroît dans un contexte de globalisation, de tensions internationales et de crise économique. Quand le temps manque, c’est l’intensité qu’on invoque. L’intensité avec ses excès, ses outrances et, d’une certaine manière, les démons qui s’échappent lorsque la boîte de Pandore est ouverte.
Prenons du recul : ce qui importe c’est de désigner le candidat le plus compétent pour diriger le pays pendant les cinq années à venir. Bien évidemment derrière le candidat se profile une force politique et la désignation concerne autant la force que le candidat. Il serait légitime dès lors d’assister à un affrontement programme contre programme. Or la réalité est toute autre.
Le seul bilan du quinquennat génère des polémiques à n’en plus finir. NS présente un bilan en demi-teinte, il le reconnait, il a eu à affronter deux crises majeures, il n’a pas pu aller au bout des réformes, il a, aussi, commis des erreurs d’appréciation et de style … Face à lui, François Hollande affiche les mêmes objectifs (une croissance de 2,5% en 2016 et retour à l’équilibre budgétaire en 2017). Aussi serait-il légitime qu’il reconnaisse dans le bilan de NS ce qui est positif, qu’il en fasse une analyse crédible donc nuancée.
Mais toutes les prises de parole de FH commencent par une condamnation en règle d’un bilan qu’il juge « catastrophique ». Les crises, il les balaie d’un revers de main (au mieux accuse-t-il NS de les avoir favorisées, ce qui témoigne d’une inquiétante méconnaissance de la question). Cette posture ne manque pas de surprendre : ce candidat qui prétend sortir la France de la crise prendrait donc le contrepied systématique de son supposé prédécesseur ?
Qui mieux est : jusqu’au bout de cette campagne, FH aura cultivé l’ambiguïté quant à la réalité des mesures qu’il envisage. Comme si ce n’était pas important. Selon NS, il y a un rapport entre la réduction du nombre de fonctionnaires et celle du déficit public. Et selon FH ? Est-il sérieux en disant vouloir faire porter tout l’effort budgétaire aux « riches » et aux « entreprises », les moteurs précisément de cette compétitivité nécessaire à la croissance ? Les français auraient aimé en savoir un peu plus, mais ils resteront sur leur faim. S’ils choisissent FH, ils devront le croire sur parole, lui donner un chèque en blanc en quelque sorte. Or, je ne suis pas sûr que par les temps qui courent il soit judicieux de signer un chèque en blanc.
Mais pour FH, le plus important c’est de « tourner la page du sarkozisme », comme s’il s’agissait d’une « page sombre de notre histoire ». Il y a dans les formulations quelque chose d’irrationnel. Quelque chose de l’inconscient collectif est à l’œuvre. Les postures de la gauche laissent penser que les raisons de se débarrasser de NS ne sont pas d’ordre politique ou économique, mais d’ordre éthique ou symbolique.
NS serait donc une bête noire ? Si tel était le cas, alors tout ce qu’aura fait cette bête noire est mauvais. C’est du moins ce que la gauche veut accréditer. Pour quelles raisons, donc, NS, est-il devenu une bête noire, sur laquelle jour après jour s’acharnent LIBE, les Inrocks, Médiapart … ?
La violence des attaques et de la curée est une offense à la mesure et à l’esprit de raison. Dans cette violence, il se dit autre chose que les seules paroles proférées. Elle témoigne encore une fois de la prégnance de l’inconscient collectif, lequel cherche à travers ces élections à régler des comptes.
De quoi cet inconscient collectif parle-t-il ?
J’avance une hypothèse : NS est le premier président de droite à conduire les affaires du pays comme celles d’une entreprise, à la hussarde parfois, mais non sans pragmatisme, réactivité et énergie. D’une certaine manière il a montré à la gauche issue du mitterrandisme qu’on ne conduit pas les affaires avec lyrisme et naïveté. Mais la gauche issue du mitterrandisme est elle-même nourrie de l’utopie soixante-huitarde et, plus loin encore, de quelque chose en rapport avec le déni de pétainisme. NS aura, d’une façon ou d’une autre, ébranlé des symboles des valeurs et des tabous. Et la gauche indignée n’est pas prête à le lui pardonner.
Mais une posture dominée par l’inconscient collectif est une posture passéiste, laquelle veut restaurer des symboles et continuer à croire à des idéaux même surannées. J’en veux pour preuve le fait que FH ait continué à cultiver les ambiguïtés autour de son programme, pour se consacrer presque exclusivement au dénigrement voire à la destruction de l’image même de son rival. Cette attitude témoigne de la prégnance de cet inconscient collectif jusqu'à l'aveuglement.
FH en est-il conscient ?
Lui seul connaît la réponse.
En ce qui concerne les français (car c’est de leur avenir dont il est question), ils auront, le 6 mai prochain, à choisir non pas entre deux programmes, mais entre deux attitudes. La première est tournée résolument vers l’avenir, la seconde consacrée à faire revivre des symboles et des postures auxquels les réalités macro-économiques contemporaines ont depuis longtemps donné le coup de grâce.