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site de Roland Goeller
7 mai 2012

François Hollande président

Les urnes ont parlé. François Hollande est le septième président de la 5ème république française. Très certainement souhaitons-nous que les dieux lui soient favorables et que les français aient à s’en féliciter. Cependant, alors même que la Bastille résonne de cette liesse populaire qui n’est pas sans rappeler un certain mois de mai 1981, alors même que la presse et les médias, ébahis, tentent de nous faire prendre pour argent comptant la somme des espoirs que cette élection porte, alors même …, le piaillement des oies du Capitole est audible à celui qui dresse l’oreille, à moins qu’il ne s’agisse des mises en garde que lance Cassandre aux troyens, naïfs, qui font entrer le cheval d’Ulysse au sein de leur cité.

François Hollande a raison d’avoir la victoire modeste, car la réalité l’attend, dès demain, inchangée. Mais ses lieutenants l’entendent-ils ainsi ? Déjà JL Mélenchon réclame le tribut de son concours et entend infléchir le cours de la politique, lui qui prétend porter, seul, la « vraie politique de gauche ». A ma connaissance, Eva Joly ne s’est pas encore exprimée, cependant nous pouvons être certains que sa détermination ne cèdera pas un pouce sur la question nucléaire. Mais les alarmes les plus tangibles proviennent peut-être de cette garde rapprochée, modérée, de qui on attendait de la mesure et de la retenue. Jérôme Cahuzac ouvre la voie : selon lui, il serait temps d’adoucir la rigueur budgétaire européenne par un pacte de croissance et déjà ses yeux se tournent vers cette Allemagne, laquelle devra, peu ou prou, « entendre raison » et consentir à une BCE plus souple, plus prêteuse, plus adaptée à cette relance dont les stratèges de gauche ont eu soudain l’illumination. Et il y avait dans le propos de J Cahuzac quelque chose comme une mise en garde, presque une menace, laquelle passerait inaperçue s’il n’y avait entre ces deux nations que constituent l’Allemagne et la France de lourds contentieux historiques dont nul ne souhaite la résurgence.

Ainsi donc, la relance et la croissance françaises, dont nous attendions que l’ex-candidat François Hollande nous dévoile les arcanes, passeraient par l’Allemagne !

Peut-être est-ce là le début de l’ »aventure » hollandiste que j’avais déjà évoquée dans les pages de ce blog ! Nicolas Sarkozy était parvenu à conclure avec la chancelière Merkel un deal, un pacte, dont les effets commençaient à se faire sentir et dont le socle ouvrait d’intéressantes perspectives d’avenir (nb : dans les éditoriaux de la presse d’outre-Rhin de ce jour, laquelle n’a certes aucun droit sur la politique française, apparaissent les premiers doutes quant à la pérennité de cette politique de rigueur mise au point non sans difficultés).

Manifestement ces perspectives n’auront pas suffi au peuple de France auquel les socialistes, inlassablement, auront parlé de « bilan catastrophique » et de « creusement des inégalités et des injustices ». Manifestement les efforts associés à ce deal, efforts il est vrai importants mais non impossibles, les socialistes auront préféré convaincre les français qu’ils peuvent s’en dispenser en « obtenant de la chancelière ce que le président sortant » n’aurait « pas obtenu ». Un tient vaut mieux que deux tu auras, dit la sagesse populaire. En l’occurrence François Hollande n’écoute pas la sagesse ; fasse sa clairvoyance qu’il ne soit pas contraint de décevoir les français auxquels il a tant promis.

Aussi n’est-il pas indécent de parler d’ingratitude et d’injustice à l’égard de Nicolas Sarkozy. Pendant 5 ans, avec l’appui des médias, la gauche n’aura eu de cesse de faire le compte de ses fautes de style -  il y en a eu - et je range parmi elles ce bouclier fiscal, dont l’économie n’aurait pas changé la face des choses mais qui aura suffi à lui coller aux basques l’étiquette de « président des riches ». Cette campagne de dénigrement aura permis d’occulter le bénéfice des réformes engagées – dont beaucoup seront conservées par le nouveau gouvernement – et les résultats d’une politique anti-crise particulièrement vigoureuse. Pas un français n’ignore aujourd’hui que la dette est l’une des maladies récurrentes dont le pays souffre et François Hollande, en candidat avisé, a repris dans sa campagne le thème du désendettement sans pour autant qu’aujourd’hui nous ayons compris – mais peut-être n’avons-nous pas assez écouté – comment il comptait s’y prendre.

Cette ingratitude, cette injustice ne manquent pas de questionner : que s’est-il joué au sein de l’opinion publique pour qu’elle préfère signer un chèque en blanc à un homme nouveau dans la conduite des affaires plutôt que de reconduire un homme rompu dans leur gestion ? Quelles leçons tirer de ce désaveu ?

Ce que j’aurai entendu, en ce 6 mai, à la sortie des bureaux de vote, a fini par me suggérer une conviction. On a longtemps parlé de ce mot malheureux de « fête du vrai travail ». On a persiflé sur « casse-toi, pov’con ».  On a évoqué cent anecdotes où affleure un sentiment de laisser-pour-comptes, de président-qui-ne-pense-qu’aux-riches. Dans l’esprit et la conscience des français quelque chose comme le quant-à-soi et la dignité auront été offensés d’une façon si grande qu’ils auront voulu le changement à tout prix, c’est-à-dire à n’importe quel prix. Cela doit interpeller. Pour dire les choses autrement : les Français dans cette élection auront pris en considération leur dignité bien avant leur intérêt. Leur motivation aura plus consisté à laver une dignité prétendument froissée, voire blessée, plutôt qu’à examiner froidement les intérêts. Il y a dans cette posture un petit air de revanche que les socialistes auront su attiser et fasse le ciel que l’histoire ne se venge pas d’eux à leur tour.

Sans doute la faute de style majeure aura-t-elle été de vouloir diriger la nation comme on fait d’une entreprise, avec réactivité voire brusquerie, hésitations et voltefaces, mais aussi pragmatisme et détermination. C’est de ce président là que les français n’ont plus voulu, dans le déni de tout ce que cette façon de gouverner aura apporté.

Mais François Hollande est notre nouveau président et fassent les dieux qu’il prenne la mesure rapide de cette réalité rugueuse qui ne se pliera peut-être pas à tous ses rêves de changement. Fassent les dieux que les français n’auront pas à regretter Nicolas Sarkozy, ce président très largement atypique, dont non sans raison ils ont moqué le Fouquet’s et la Rollex, mais dont ils ignorent encore ce qu’ils doivent à sa combativité et à son engagement !

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Commentaires
S
Tous dieux absous, du passé, du présent et de l'avenir, ce résultat est celui d'une calomnie soutenue, combinée au style original et dérangeant de Nicolas Sarkozy. <br /> <br /> Comme vous le soulignez dans votre excellente analyse, les alliés de Hollande, qui s'en croient plus qu'ils ne sont, vont lui réclamer leur part. Mais je suis sûr qu'il ne leur accordera rien avant le résultat des législatives, et qu'il avisera, après, en fonction de ses besoins. Le P.S. est aussi hégémonique que l'UMP, s'il le peut.
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