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site de Roland Goeller
21 mai 2012

Pourquoi la gauche est-elle arrivée au pouvoir?

alors que le pays est à droite. Telle est la question que ne manque de poser chaque commentateur politique.

Et que veut dire : le pays est à droite ?

Précisons les choses. Il y a d’une part des partis politiques : UMP, PS, Front de Gauche, FN … d’autre part des sensibilités politiques. Les partis foisonnent, quoique l’échiquier politique soit tenu par un petit nombre de partis. A l’inverse, il n’y a que deux sensibilités politiques. On m’objectera l’existence du centre et des abstentionnistes. Cependant les abstentionnistes, par définition, ne se sont pas déterminés, et les centristes se sont certes déterminés mais de façon hétérogène, sans que n’apparaisse une tendance dans la palette des questions à propos desquelles il y a lieu de se déterminer. Disons que les abstentionnistes ne savent pas, en général, et les centristes savent pour telle ou telle question, mais ne savent pas de quel côté ils penchent lorsqu’ils considèrent l’ensemble des questions.

Les sensibilités politiques quant à elles sont au nombre de deux, pas une de plus, à la manière du yin et du yang. La comparaison me paraît féconde. Le yang représente des valeurs masculines d’entreprise, de force, de combat …, le yin représente la féminité, la sécurité, le dialogue … Les forces politiques d’un pays ou d’une nation sont constituées d’une imbrication et de strates de pôles yang et de pôles yin.

Ces forces fonctionnent à la manière d’un inconscient collectif.

Dans l’inconscient collectif français, il y a des Clovis, des Charlemagne, des Louis XIV, des Napoléon, des Clémenceau et des De Gaulle. Il y a aussi des Marguerite de Navarre, des poètes et des musiciens, des révolutions, des communes, des fronts populaires … D’un côté des forces qui conquièrent, combattent, entreprennent, agissent …, de l’autre des forces qui écoutent, tempèrent, se révoltent, chantent … D’un côté la raison d’état, celle qui sacrifie Dreyfuss, de l’autre la raison du cœur, celle qui défend Dreyfuss … La dichotomie est sans fin, on le comprend.

A l’inconscient collectif cependant, il manque la conscience. Il appartient à la politique de la fournir. C’est le rôle des hommes et femmes politiques et des partis politiques. On comprendra que si l’inconscient collectif est un bloc hétérogène en proie à des forces, disons, actives d’une part, passives de l’autre, on comprendra que la politique quant à elle est fondamentalement morcelée. Il y autant de partis que de tribuns prétendants interpréter l’inconscient collectif et lui prêter sa voix. Et il appartient aux leaders politiques de fédérer les voix proches et de réaliser les synthèses nécessaires pour que, de la cacophonie, naisse une ligne politique.

Dès lors comment expliquer ce paradoxe d’un inconscient collectif plutôt à droite (prépondérance des valeurs d’entreprise, de sécurité, de mérite voire d’identité) alors que le parti en charge de la conduite des affaires est de gauche ?

Alors même que la politique conduite par l’UMP était bénéfique, dans le contexte de crise que nous avons connu, et malgré le dénigrement permanent et systématique fait par la gauche !

Il aura donc fallu que les leaders de droite aient heurté quelque chose dans l’inconscient collectif français pour qu’il ait suffi à la gauche de faire un travail de sape, avec un candidat dont la crédibilité n’est pas avérée, et renverser la vapeur à son profit.

Je me suis déjà exprimé sur ce point. Dans l’inconscient collectif français, il y a aussi de la monarchie, du territoire, le prestige, un brin de fierté et de panache, des convenances et du formalisme. Nicolas Sarkozy aura conduit sa politique comme on dirige le conseil d’administration d’une entreprise. Il en a obtenu des résultats et peut-être, pour obtenir des résultats de cette nature, fallait-il s’y prendre de cette façon. Mais c’était avec le risque de heurter l’inconscient collectif. Et la gauche, aux aguets, se sera engouffrée dans cette brèche, n’aura eu de cesse de battre le pavé avec le Fouquets, le karcher … jusqu’au « vrai travail ». La gauche n’aura eu de cesse de compter les faux-pas, voire de pousser à la faute.

Les partis de gauche n’ont pas vraiment joué leur rôle d’opposants, lesquels sont sensés proposer des alternatives politiques. Les partis de gauche se sont contentés d’exploiter les blessures symboliques, maladroites, que Nicolas Sarkozy aura commises, pour dénoncer « l’injustice, le clivage … ». Les partis de gauche auront pris le risque de fonder leur stratégie sur un dénigrement, sur une dénonciation, sur une indignation, sans même prendre la peine de préciser leur programme politique dont on comprend qu’ils l’adapteront en fonction des événements.

Il aura fallu que les blessures symboliques soient vives pour que le corps électoral ait choisi de se reporter sur la gauche quitte à lui signer un chèque en blanc. Mais la gauche aura pris une immense responsabilité en s’emparant de cette façon du corps électoral, d’une part en ravivant sans cesse les blessures symboliques au lieu de les apaiser, d’autre part en faisant appel, dans l’inconscient collectif, à des forces plutôt yin (justice, répartition …) dont il n’est pas certain qu’elles soient adaptées au combat qui attend la France.

Ce combat avait besoin des forces yang que Nicolas Sarkozy a su invoquées et il est à craindre qu’elles ne fassent cruellement défaut lorsque, revenu de son euphorie et de ses gesticulations médiatiques, le nouveau gourvernement de l'exemplarité et du changement devra affronter une réalité internationale qui se dégrade de jour en jour !     

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Commentaires
S
C'est elle qui oriente notre jugement. C'est vrai, c'est un choix entre deux idées de l'homme et de la société. La nature mauvaise de l'homme contre l'angélisme prêté à J.J. Rousseau.<br /> <br /> C'est pourquoi il y a cette pi-partition française, très stable, et en même temps très crispée, dont les fluctuations sont marginales. Le mérite essentiel que je reconnais à De Gaulle, c'est ce nous avoir donné les institutions permettant de contourner, de neutraliser, ce point faible, de rendre la France telle qu'elle est, gouvernable.
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R
Sans doute ces trois valeurs font-elles partie de celles que j'honore et qui constituent, en conséquence, une partie de ma subjectivité. <br /> <br /> Deux questions se posent dès lors: cette subjectivité rend-elle toutes mes analyses "subjectives", contestables parce qu'énoncées à partir d'une subjectivité? <br /> <br /> Comment dès lors dialoguer avec qq qui se réclamerait de valeurs contraires?
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S
Il me semble, à partir de votre remarque que j'approuve, que cette attitude est individualiste, sans le savoir. Est-ce le rapport du sujet au souverain, ou celui du fidèle à son créateur? Le catholicisme, religion dominante en France, est reconnaissable dans cette affirmation de dépendance. Ruralité, catholicisme et monarchie, sont les trois piliers de notre civilisation spécifique.
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R
Oui. L inconscient collectif relève plus de la métaphore que d un concept psy. Disons que l IC c est la somme des usages et des valeurs partagés par un groupe ou une nation. Dans l IC français il y a cette croyance, depuis le XVIII ème sans doute, que la puissance publique doive compenser les disparités provenant de la santé, de l éducation, disparités que la gauche promptement appelle inégalités où injustices. Dans l IC il y a donc la croyance que l individu est peu de chose par rapport au groupe. Etc
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S
Bien vrai!"Ils" ont fait taire Gerra et Canteloup.<br /> <br /> P.S. Inconscient collectif a un sens concret pour moi, puisqu'il est l'extension de l'inconscient freudien. Les freudiens en contestent l'existence, et donc, une comparaison possible. Il faudrait, dans le sens qui est le vôtre, préciser: "phénoménologique". Un adjectif "valise"!
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