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site de Roland Goeller
18 juin 2012

Victoire du changement, victoire de l'aveuglement

Hier au soir s’est arrêté un processus électoral qui en vérité a commencé depuis longtemps, depuis le mois de juin 2007 sans doute. Les résultats sont connus et sans appel : la totalité des pouvoirs régaliens est désormais entre les mains du seul PS. Assurément, aux yeux des vainqueurs et de leur électorat, il s’agit d’une victoire sans appel. Assurément, cette victoire ne doit rien au hasard ou à une quelconque désinvolture électorale : si les électeurs français avaient voulu partager les pouvoirs, ils l’auraient fait à l’occasion des législatives. Ils ne l’ont pas fait et les multiples mises en garde de la part de l’UMP ne les auront pas ébranlé dans leurs convictions.

Mais s’agit-il seulement d’une victoire et avons-nous lieu de nous en réjouir ?

Balayons l’argument corporatiste consistant à dire que l’UMP regrette les sièges perdus pour les privilèges qui y sont attachés. Bien sûr les battus du second tour éprouvent toute l’amertume du combat perdu mais leur propre sort les préoccupe bien moins que le fait de ne plus pouvoir peser sur les affaires publiques, laissées désormais entre des mains qu’ils jugent incertaines.

Avons-nous des raisons de nous réjouir ?

Le gouvernement en place depuis le 7 mai dernier s’en réjouit quant à lui. Il a réussi un double tour de force. D’une part, avec le retour partiel de la retraite à 60 ans, d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications. D’autre part, avec le discours de la « néo-croissance », de mettre à mal le socle franco-allemand sur lequel repose la pérennité de la zone euro.

Pourtant, le monde extérieur ne cesse d’envoyer des signes. Malgré son naufrage, le Grèce a porté au pouvoir les forces de droite qui militent et pour l’euro et pour la rigueur, deux choses qui ne vont pas l’une sans l’autre. L’Allemagne, dont d’aucuns commencent à parler en des termes revanchards qui font frémir, l’Allemagne qui serait prête à jouer la carte des eurobonds (en échange il va sans dire d’une surveillance réciproque des comptes publics), l’Allemagne exprime les plus vives réserves vis-à-vis des premières mesures françaises (SMIC, 150  000 emplois aidés, embauches dans la fonction publique …), lesquelles ne vont pas à ses yeux dans le sens du désendettement.

Mais le nouveau gouvernement crie victoire, tandis que les observateurs étrangers, de façon quasi unanime, s’interrogent sur l’impossible équation économique française. Ces derniers reprennent les termes d’un article que The Economist avait publié dès le mois de mars « A country in denial ». Le gouvernement, victorieux dans les urnes, prétend, croix de bois, croix de fer, redresser l’économie et atteindre l’équilibre budgétaire en 2016, sans pression fiscale excessive, tout en procédant à de nouvelles dépenses sociales. Le gouvernement, victorieux dans les urnes, prétend, juré craché, redonner à la France toute sa compétitivité sans poursuivre les réformes (désormais insuffisantes) engagées par Nicolas Sarkozy et en accentuant le poids des charges sociales par la suppression de ce qu’il continue de nommer niches fiscales alors qu’il ne s’agit en réalité que de dispositifs d’allègement des charges.

Pour couronner le tout, la conjoncture en ce mois de juin 2012 est nettement moins bonne que prévu. Cela veut dire que les dépenses seront plus importantes, les recettes plus faibles, et qu’il faudrait donner un tour de vis supplémentaire, accentuer les réformes au lieu de les arrêter. Mais le gouvernement n’en a cure. Il crie victoire, ses ministres ont réussi le grand chelem, ses électeurs euphoriques s’apprêtent à savourer les vacances qu’octroie l’éducation nationale et les syndicats, forts du prochain décret sur les retraites, préparent une rentrée sociale au cours de laquelle ils entendent toucher les dividendes de la fin du sarkozisme et du retour de la gauche aux affaires. La France victorieuse se lèche les babines mais ne sait pas encore que sous la cloche de verre le fromage est grignoté par les souris de l’endettement et du défaut de compétitivité. La France victorieuse ne sait pas encore que son euphorie procède d’un déni profond de réalité, laquelle, très vite, imposera ses évidences et contraindra son gouvernement à conduire, voire à renforcer, cette politique de réforme et de rigueur que pendant cinq elle aura discréditée. Le gouvernement victorieux ne sait pas encore que pour conduire cette politique, il lui faudra convaincre un électorat dont le réveil sera d'autant plus brutal que l'aveuglement aura été profond. 

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Commentaires
P
Les électeurs de l'UMP ou de ces tendances-là sont-ils les seuls à avoir un peu d'intelligence?<br /> <br /> Les mécanismes économiques et financiers sont-ils inconnus des Français qui ont voté pour Hollande?<br /> <br /> Sachant que les emplois les plus producteurs de richesse sont ceux qui sont nés de l'argent investi, comment peut-on espérer relancer l'industrie en vouant aux gémonies ceux qui entreprennent et osent ? Je m'arrache les cheveux.
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R
hélas, cette échéance est proche. David Cameron et Angela Merkel, chacun à sa manière, sont en train de rappeler à notre fantasque président, pris entre les feux de ses meufs, les règles libérales auxquelles il est censé avoir consenti en acceptant les destinées du pays. Plus rapide sera la chute, mieux cela vaudra.
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S
Malheureusement, la démocratie, c'est cela. Les joueurs de flûte sont mieux entendus que les hommes raisonnables. Cependant, je sens que s'il y a eu beaucoup de fausses promesses et de poudre aux yeux pour conquérir le pouvoir, la liberté de manoeuvre conquise sera utilisée pour imposer une rigueur, probablement inégalitaire. Le service public sera ménagé, ou même choyé, le secteur privé sera matraqué. Jusqu'à ce que le nouveau pouvoir soit confronté à l'impossibilité de fabriquer de la fausse monnaie.
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