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site de Roland Goeller
24 mars 2013

Pourquoi la GPA est désormais inéluctable

 

 

1007717_Andrea_del_Sarto_le_Sacrifice_dAbrahamLe Sacrifice d'Abraham, d'Andréa Del Sarto

 

L’argumentation centrale de toute la démarche intellectuelle du « mariage pour tous » repose in fine sur la « théorie des genres ». Celle-ci est d’une extrême complexité : sa compréhension suppose une patience de clerc (clair ?) et je n’ai pas la prétention d’en rendre compte de façon exhaustive. La théorie me semble-t-il consiste à révoquer le primat contraignant de la nature (de Dieu, diraient les gens de foi) laquelle a réparti chaque espèce animale en deux familles, caractérisées par des sexes différents et complémentaires. L’homme étant une « espèce animale », la partition « naturelle » vaut pour lui aussi. Et dans « l’esprit » de la nature (ou de Dieu), l’engendrement, la procréation et la perpétuation de l’espèce reposent sur l’accouplement d’individus de sexes différents, ce que précisément, me semble-t-il, remet en cause la « théorie des genres ». 

 

Sexualité indissociable de la procréation 

Il n’en est pas moins vrai que la survie des espèces, quant à elle, repose sur un ensemble de comportements, de mécanismes et d’attitudes combinant l’agressivité, la réflexion, le langage, l’empathie … (cf l’abondante littérature disponible sur le sujet). Cependant, au fil du temps et des évolutions, les mœurs se sont constituées par des combinaisons de dispositions naturelles et sexuelles avec des comportements domestiques, civils ou rituels, sans qu’il fût possible, à un moment donné, d’identifier clairement ce qui relève de la nature d’une part, de la culture de l’autre. Les mâles ont  assumé les fonctions de chasse et de guerre, alors que les femelles étaient tournées vers le soin de la maison et des enfants, et cette répartition répondait à la fois à des nécessités « naturelles » et d’autres, « culturelles ».

Dans les sociétés primitives, en corollaire, l’homosexualité était « mal vue » en ce qu’elle ne contribuait pas à la procréation. Dans la plupart de cas, elle était cependant « tolérée » et cette tolérance relevait de l’intuition immémoriale de ce que les grecs, tardivement, ont nommé « oïkos et polis ».  Ce dernier point est d’une importance capitale : en effet, le paradigme contemporain de la sphère privée, soumise à l’investigation voyeure et obscène (instrumentalisée par les technologies de la communication), détruit peu à peu le tropisme grec, si nécessaire pourtant à l’équilibre des choses, et donc la possibilité de la tolérance.

 

Comment la sexualité est devenue hétérosexualité

La « théorie des genres », nous l’avons dit, remet en cause le primat « naturel et historique » de l’hétérosexualité. Elle considère que l’hétérosexualité n’est qu’une variante de sexualité dans la palette des comportements sexuels. Pourquoi ?

Le terme « hétérosexualité » du reste est apparu tardivement : historiquement, et sans doute jusqu’au début du XXème siècle, on parlait de « sexualité » lorsqu’on évoquait la sexualité « normale » concernant un homme et une femme. La sexualité était le terme qui servait à désigner le genre de choses que font les hommes avec les femmes (et réciproquement), le plus souvent dans le cadre institutionnel du mariage, mais souvent aussi de façon transgressive sous le couvert d’une tolérance (cf les maisons du même nom).

Lorsque, en revanche, la sexualité concernait deux individus de même sexe, on parlait d’homosexualité, de tous temps. Peu à peu, les revendications et la « visibilité » de l’homosexualité ont induit un glissement sémantique : la sexualité est devenue « hétérosexualité ». Elle est cependant restée, implicitement, la forme de sexualité majoritaire ou dominante, celle qui, seule, avait droit à la sanctification civile et institutionnelle, par le biais du mariage.

Aussi, l’introduction du « mariage pour tous » met-il un terme à cette hégémonie. L’hétérosexualité, manifestation la plus courante (la plus banale ?) de la sexualité, perd ainsi le monopole de l’institution. L’homosexualité, forme minoritaire (en nombre), a acquis des droits civils identiques. On parlera désormais, civilement et institutionnellement, de « sexualités », parmi lesquelles l’hétérosexualité, majoritaire en nombre, ne bénéficie plus de droits exclusifs (le mariage), qu’elle partage avec la forme minoritaire (en nombre) qu’est l’homosexualité.

 

La fin de l’assignation des sexualités

La « théorie des genres » est une théorie, elle prétend. Que prétend-elle ? Elle prétend que la sexualité n’est pas déterminée par la nature et la possession d’organes spécifiques mais par un ensemble de déterminations culturelles. Les individus auraient été assignés à une sexualité en apparence imposée par la nature, mais cette assignation  « naturelle » ne s’impose(rait) nullement : les hommes peuvent se tourner vers une sexualité différente de celle à laquelle les prédispose la possession d’un pénis mis en commun avec un organe féminin. « L’orientation » relève de leur seule liberté.

Certains hommes – et certaines femmes – l’ont fait, de tous temps, mais dans la clandestinité, et en renonçant implicitement aux droits liés à la sexualité normale et patentée, à savoir « l’hétérosexualité ».

Pourquoi cela, demanderont d’aucuns ? Poser la question relève d’un étonnement légitime. Tenter d’y répondre en revanche ouvre la porte à l’homophobie. Il n’y a pas de réponse à une telle question autrement que par la littérature, laquelle crée au préalable l’imaginaire nécessaire.  Cependant, « l’étonnement » dont l’homosexualité a de tous temps fait l’objet a généré des réactions de « confinement » et d’ostracisme. En réaction, les homosexuels en ont conçu de légitimes revendications de reconnaissance.  

Une reconnaissance devenue désir d’égalité : le « mariage pour tous » en est la première étape. Il y en aura d’autres, forcément. La simple reconnaissance ne suffit pas, elle pourrait être assimilée à la tolérance, laquelle est toujours incertaine et réversible, voire de la condescendance. Il fallait plus, il fallait s’attaquer au fondement même de « l’inégalité naturelle », laquelle a dévolu à « l’hétérosexualité » le monopole de la procréation. C’est en cela que consiste la « théorie des genres ».

Si donc l’homosexualité n’est plus une restriction de la procréation, alors elle devient l’équivalent de l’hétérosexualité, et dès lors il n’y a plus de sexualité dominante mais une palette de sexualités qui se valent toutes. L’étape décisive consiste donc en ceci : priver l’hétérosexualité de son argument historique, biologique et génétique, voire ontologique, à savoir le monopole de la perpétuation de l’espèce.

Aussi les partisans du « mariage pour tous » n’auront-ils de cesse de démontrer que les « autres sexualités », dont l’homosexualité, peuvent elles-aussi contribuer à cette perpétuation. La science génétique aujourd’hui vient à point nommé. Elle permet de caresser de tels espoirs. Le vocable de « procréation artificielle » regroupe une palette de techniques allant de la FIV à la GPA (gestation pour autrui). Et nul n’est aussi favorable aux progrès de la science bio-génétique qu’un « théoricien du genre ».

 

Du « mariage pour tous » à la GPA

Au 5ème siècle après JC, St-Augustin, évêque d’Hippone et brillant théologien, affirmait : «  le mariage a été institué pour que l’homme reconnaisse son fils », propos qui m’a toujours paru être l’une des pierres angulaires du principe de civilisation.

Tout sophisme fonctionne à l’inverse des raisonnements par l’absurde : l’argument définitif apparaît à la fin et, au yeux du sophiste, nul contre-exemple n’en réduira le caractère intangible.  Au 21ème siècle, donc, la GPA reste l’ultima ratione des « théoriciens du genre ». Elle permet(tra) à n’importe quel couple ou association de parvenir au stade de parents. Aussi les «théoriciens du genre » ne désarme(ront)-ils pas avant d’avoir obtenu cette reconnaissance ou cette équivalence : le droit légal pour les couples homosexuels de recourir à la procréation artificielle (à défaut de naturelle) donc à la GPA. Ce droit sanctifiera l’équivalence absolue des sexualités, l’homosexualité au même rang que l’hétérosexualité.

Il reste(ra) un dernier obstacle cependant, et non des moindres: le lien de filiation, lequel subsiste(ra) dans le cas des couples hétérosexuels et cette survivance - même majoritaire - apparaîtra, à terme, comme une ultime discrimination, comme le dernier signe de la non-équivalence des sexualités. Aussi est-il à parier que le combat des « théoriciens du genre » se poursuivra jusqu’à l’abrogation de cette survivance, jusqu’à la révocation du lien de filiation, c’est-à-dire le retour à l’ordre primitif des sexualités dans lequel la filiation serait déconnectée de l’accouplement : nul ne saura alors de qui il est le fils, les sexualités seront parfaitement équivalentes, et les hommes seront parfaitement égaux puisque nulle détermination ne les prédisposera à quoi que ce soit !

 

Le spectre de l’a-filiation

Cependant, les « théoriciens du genre » se contentent d’évoquer des perspectives sans forcément en mesurer toutes les conséquences et je n’en citerai qu’une.

St-Augustin  - mais je sais que chaque religion a fait émerger des théologiens qui ont tenu des propos équivalents  -  a vécu la fin de la chute de l’empire romain. Il a évalué en quoi la civilisation différait de la barbarie et l’un des critères réside dans la filiation, dans la capacité de désigner une lignée en remontant le plus loin possible. Les juifs font à cet égard preuve d’un haut degré de civilisation.

Or on ne mesure pas assez ce que veut dire le renoncement à la filiation et à la lignée, à la possibilité pour un enfant de dire de qui il « descend ».

J’aurais aimé que par probité intellectuelle, les « théoriciens du genre » abordent cette question. Mais on me répond : de quoi ai-je peur ? On me renvoie l’argument : puis-je démontrer que l’absence de filiation est dommageable ?  On m’assure qu’il n’y a pas à ce jour d’élément laissant penser que … (toujours le sophisme). Au pire, on me fait le procès de régression voire d’obscurantisme. Mes questions me désignent dans le débat comme celui qui n’a rien compris.

Mais peut-être, armés de la foi dans le progrès et confiant dans la technologie, laquelle est censée corriger avantageusement toutes les « imperfections naturelles », les théoriciens du genre ne voient-ils plus l’intérêt de maintenir un haut degré de civilisation. A moins que, mus par un obscur désir d’égalité, ils estiment que la civilisation précisément consiste à déconstruire tout ce que la nature (ou Dieu) a donné. 

 

 

 

 

 

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