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site de Roland Goeller
16 septembre 2013

Laïcité en trompe l'oeil

quand un ministre joue à l'instituteur ... 

laicit__3Le péril en la demeure était-il si grand qu’il fallût afficher une charte de la laïcité en toutes les écoles de France et de Navarre ? Et cette charte répond-elle aux menaces dont elle se présente comme le garde-fou ? « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances », proclame-t-elle en son article 1. Le fait de rappeler en ces termes un élément du socle républicain traduit-il la crainte que ce socle ne soit déjà en cours d’érosion ?

 

La laïcité en libre-service

La Charte semble-t-il a été diversement perçue, inaperçue presque dans la cacophonie médiatique où prédominent les bruits de bottes d’une prochaine croisade syrienne ainsi que les coups de feu échangés à Marseille, mais obligeamment relayée par une presse soucieuse de promotion gouvernementale. Quelques grincements de dents nous viennent de la communauté musulmane, jamais désignée, laquelle pourtant s’est reconnue. Quelques intellectuels de gauche ont bien voulu cautionner la prétendue impartialité œcuménique du ministre Vincent Peillon, dont nul ne doutera des bonnes intentions, en citant les quelques cas où d’autres communautés religieuses ont troublé la quiétude laïque. Mais l’article 12 (« Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse … pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme ») s’adresse –t-il aux catholiques nostalgiques du rituel de Pie XII ou aux musulmans qui ne retrouvent pas dans les théories de l’évolution les fondamentaux de leurs croyances ? De même, l’article 13 («  nul ne peut se prévaloir de … pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’école … ») désigne-t-il les quelques velléités résiduelles de carême, de poisson le vendredi et de rosaires de poche, ou au contraire les revendications de ramadan et de voile ?

 

La laïcité par note de service

On ne fera croire à personne que les relations de l’état français et de l’église catholique n’ont pas été réglées par la loi de 1905, et qu’il faille une nouvelle charte à son intention pour en actualiser le contenu. Aussi la communauté musulmane est-elle peut-être fondée à manifester un peu d’humeur face au ministre instituteur qui a préféré une note de service générale à une confrontation plus directe, laquelle eût exigé un peu plus de franchise et de « respect de toutes les croyances ». Mais peut-être le ministre-instituteur s’est-il abrité derrière l’impersonnalité d’une charte plutôt que d’ouvrir un dossier qui l’aurait amené bien au-delà des questions œcuméniques et scolaires.

 

La laïcité en bréviaire

Cependant « l’acte de foi » contenu dans les articles 6 et 7 ne pose-t-il pas plus de questions qu’il n’éclaire le contexte ? En effet, il est dit que la laïcité « assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ». En sommes-nous si sûrs ? Il faut remarquer que, très singulièrement, cette « charte de la laïcité » se présente sous forme de vademecum et manie des concepts très complexes qu’elle ne prend jamais le soin de définir. Que signifie au juste une « république démocratique et sociale » ? De même, comment définir la laïcité ? Est-ce un corpus de tolérance que des religions qui coexistent manifestent les unes envers les autres ? Dans cet esprit, ceux qui prétendent ne pas avoir de religion s’inscrivent dans la catégorie théologique des a-religieux. Peut-on « laisser de côté » sa religion pour agir dans un espace intellectuel soi-disant laïc ? Les religions dont les uns et les autres se prévalent n’agissent-elles pas dans tous les domaines de leurs pensées ? En ce cas, il convient de définir ce qu’il y a lieu de laisser en « retrait » par rapport à ce qu’on peut manifester et ce n’est plus de laïcité dont nous parlons mais de tolérance.

 

La laïcité ou la culture aseptisée

laicit_Quant à cette « culture commune et partagée » dont rêve le ministre, quelle est-elle? La littérature française est marquée du sceau testamentaire, de même que la littérature orientale est marquée du sceau coranique. Est-il possible de fondre ces deux courants de culture pour n’en faire qu’un seul, laïque, ou les laisser de côté l’un et l’autre par crainte d’une confrontation, et cela serait-il raisonnable ?  La confusion qui en résulterait ne militerait en rien pour la culture. L’organisation de lieux d’échanges semble au contraire beaucoup plus féconde et sans doute convient-il de cultiver en chacun le sentiment de sa singularité pour le rendre capable de la manifester sans offense et de sa propre tolérance pour être en mesure d’entendre la différence. Et dans cet esprit, c’est l’enseignement différencié et différentiel des religions qui contribue à la culture.

Cependant, la mise en garde implicite que contient cette charte de laïcité (et non : charte de la laïcité) révèle peut-être l’échec d’un système scolaire qui s’est rêvé « unique et indivisible » et qui souffre de l’impréparation dans la confrontation désormais multi-décennale de communautés aux mœurs si différentes.

 

 

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