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site de Roland Goeller
21 octobre 2013

Leonarda, ou une certaine idée de la République

 

 

maillon_faibleQui, en France jusqu’en Navarre, peut prétendre ne pas connaître le visage de Léonarda ainsi que sa cinglante réplique adressée depuis le Kosovo au président de la république française : « si je reviens, c’est avec mes parents. Point barre !» ? Qui ne connait pas les dessous de cette affaire d’expulsion dont un rapport administratif, diligenté à la suite d’une fronde estudiantine et de l’indignation de la part du monde associatif, révéla que « la procédure fut en tous points conforme à la loi », à l’exception d’un certain « manque de discernement » dont les forces de l’ordre se seraient rendues coupables ? Qui ?

L’affaire Léonarda, faut-il le rappeler, commence avec l’ordonnance d’expulsion prononcée par la préfecture à l’encontre de sa famille. Cette ordonnance intervient après cinq années de procédure d’accession à la nationalité française, procédure dont le rapport administratif nous apprendra les méandres, pourvois et appels, mensonges et fausses déclarations de la part de la famille. D’elle on croit savoir qu’elle est kosovare, mais serait-elle portugaise ou roumaine, cela changerait-il quelque chose ?  

L’indignation exprimée par les étudiants et les associations porte sur les conditions d’exécution de l’ordonnance. Celle-ci eut lieu dans le milieu périscolaire, en présence des camarades de la jeune fille, ce qui certes ne fut pas du meilleur effet. Plusieurs ministres aussitôt prennent leurs distances avec Manuel Valls. Ils invoquent des méthodes policières « dignes de son prédécesseur », lesquelles pourtant n’ont jamais manqué de dignité. Des esprits habitués à la démesure évoquent les « wagons et les camps » de sinistre mémoire, alors que le retour se fait dans un pays démocratique, sous tutelle européenne de surcroit. Plus incisif, Vincent Peillon, le ministre de l’éducation nationale, rappelle la « sanctuarisation de l’école » dont cette affaire constituerait à ses yeux un viol. Mais tout ce beau monde est-il aussi ému qu’il le prétend ? Le destin de Leornarda lui importe-t-il autant que la crainte de déplaire à l’aile gauche du pays avec laquelle il serait malhabile de se fâcher en ce moment ?

Manuel Valls, en apparence, persiste et signe. Il diligente une enquête administrative. Et samedi dernier, à la grande surprise générale et presque simultanément à la parution du rapport, le président de la République fait une allocution. Celle-ci ne concerne ni la Syrie, ni le Mali, ni le shut-down administratif aux USA, ni la fronde fiscale, ni la tension sur les taux d’intérêt, ni la réforme ferroviaire, ni la précarité budgétaire européenne, ni la montée de la délinquance, ni même le désamour croissant des français pour la politique – toutes questions dont on attend de la part du président une analyse, une vision et un plan de bataille – cette allocution concerne Leonarda , à qui le président propose in fine de « revenir poursuivre ses études en France, si elle le désire, mais elle seule ». Harlem Désir surenchérit en suggérant que cette proposition s’étende au reste de la famille.

La réponse ne se fit pas attendre. Tous les médias de France et du monde sont désormais pointés sur le dialogue ouvert entre un président d’une puissance occidentale et une jeune fille kosovare, laquelle d’une certaine manière le tient par la barbichette. On devine les petits sourires dans les capitales européennes, encore amusées par la récente et pitoyable pantalonnade syrienne. Quant à Manuel Valls, implicitement désavoué, on s’attendait à une démission de sa part, mais pas du tout. Au contraire, en trouvant la proposition du président « d’une grande générosité », il nous révèle le fond de sa pensée. En d’autres termes, le ministre chargé d’appliquer une politique lisible d’immigration, s’incline devant le président qui pour d’obscures raisons lui tire le tapis sous les pieds en annulant l’un des actes de cette politique. Si le président avait voulu demander aux électeurs de voter désormais pour le FN, il ne s’y serait pas pris autrement.

Mais au-delà du ridicule dont il vient une nouvelle fois de se couvrir, se pose la question de sa posture générale. François Hollande tient-il les affaires de ce pays ? En a-t-il fait une analyse réalise et poursuit-il une ligne politique claire ? Ses atermoiements, ses hésitations autant que ses surprenantes virevoltes, comme dans l’affaire syrienne lorsqu’il voulait entraîner le pays dans une aventure militaire impréparée et hautement risquée, ses hébétudes sont-elles celles d’un homme qui maîtrise la situation ou plutôt celles d’un homme qui jour après jour s’enfonce un peu plus dans la confusion et l’incohérence ? Dans son discours du Bourget du 30 avril 2012, celui qui n’était alors que candidat déroulait sa longue anaphore : « moi président …, moi président …, moi président je n’interviendrai pas personnellement dans les affaires particulières, moi président je veillerai au respect de la loi, moi président je ne dresserai pas les français les uns contre les autres ». En permettant à Leonarda de revenir, en ôtant toute crédibilité et toute lisibilité à l’action gouvernementale sur le sujet hautement sensible de l’immigration, n’est-il pas en train de dresser un peu plus les français les uns contre les autres ? Que fait-il d’autre que créer, en 2017 au deuxième tour des présidentielles, les conditions d’une confrontation PS-FN dont il espère le dividende?  

 

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