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site de Roland Goeller
18 juillet 2014

Une étape franchie dans le déclin

Souvent, les événements ne signifient rien en eux-mêmes, pris isolément. Ils apparaissent en paisibles singularités qui flottent sur l’océan de notre crédulité, tels des icebergs aux parois d’autant plus lisses que les parties profondes en sont rugueuses et tranchantes.

Dans son allocution télévisée du 14 juillet dernier, le Président de la République commente l’actualité, en oracle astigmatique corrigé par des montures danoises. La croissance est à portée de mains, nous dit-il, il la sent frémir, le pays est en bonne voie. La dégradation de l’emploi, inquiétante et régulière depuis son accession au pouvoir, lui en est l’indubitable signe annonciateur. Car c’est en touchant le fond qu’on peut espérer rebondir, nous assure cet énarque courtois dans une périphrase qui fait le régal des ministères et les ricanements dans les chancelleries étrangères.

Quel commentaire fait-il des affaires qui touchent son prédécesseur à l’Elysée ? Aucun, proteste-t-il avec une indignation de sacristain. Il s’offusque même que l’on osât poser la question. Quelle idée les journalistes se font-ils donc de la justice, laquelle, diable, « fonctionne en toute indépendance » ? Dans une dernière envolée, le Président nous assure ne pas être au courant, que la justice suit son cours, comme l’on dit, et que tout un chacun est « prisonnier …, euh, présumé innocent ». Le lapsus présidentiel est à hisser au rang du « cœur révélateur », cette nouvelle à faire frémir d’Allan Edgar Poe, et nous dessille les yeux sur la véritable (in)dépendance de la justice !

La justice, encore. Mme Taubira tente à toute force de faire passer une loi de mansuétude sur les petits délits des mineurs, tandis qu’une ex-candidate frontiste est condamnée à neuf mois de prison ferme pour avoir proféré une insulte à fond raciste envers la ministre. Rien n’excuse cette ex-candidate qui ignore que les combats politiques se mènent à la loyale, argument contre argument, dans le respect des personnes surtout celles dont on prétend combattre les idées. Il n’en reste pas moins vrai que l’institution judiciaire se discrédite en faisant preuve, simultanément, d’excessive naïveté d’une part, et d’excessive sévérité de l’autre. Comme cite Laurent Obertone: "Pour prendre neuf mois ferme, il faut forcer un barrage et blesser neuf policiers". De surcroît, dans cette affaire de l’ex-candidate, la justice prend le contre-pied de l’affirmation élyséenne d’indépendance : elle vole au secours de ceux qui la dirigent et, dans le même temps, reste singulièrement sourde à ces explosions de racisme antisémite que provoquent en notre pays les affrontements au Moyen Orient. Deux poids, deux mesures ? Plusieurs poids, plusieurs mesures. J’invite tout un chacun à se remémorer les procédés discrétionnaires en vigueur à la Loubianka, de laquelle Dieu nous préserve. Mais Dieu, précisément, n’a plus droit de cité dans la république autoproclamée souveraine.   

La république, encore. Tandis que les économies promises par le pacte de responsabilité devraient apparaître (mais n’apparaissent pas), le pays se déchire sur la question du regroupement des régions. Le pays du reste adore se déchirer, déjà du temps des cahiers de doléances, de la mort du Roi, de l’affaire Dreyfuss, des villes-étapes du Tour de France et des provinces desservies par le TGV. La version la plus récente propose le rattachement du Limousin et du Poitou-Charentes à l’Aquitaine. La courtoisie aurait consisté à dire : regroupement de l’Aquitaine, du Limousin et du Poitou-Charentes. Les limougeauds poussent un soulagement, eux dont les racines d’oc sont encore vivaces. Du reste est apparue une carte regroupant Aquitaine, Midi Pyrénées, Limousin, Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon et Auvergne. Le point commun, je vous le donne en mille : la langue d’oc ! Il est particulièrement révélateur que le peuple se voie dans l’obligation de rappeler cette vérité à ses élites. Mais que leur apprend-t-on à l’ENA ? Il est très édifiant, aussi, que le Président de la République, élu de Corrèze, soit passé à côté de cette vérité millénaire : le Limousin est une terre d’oc ! Le président aurait-il cessé de « communier » avec le peuple ?

couronnement Louis IX

Communier avec le peuple ! La Révolution a chassé du trône les Capétiens, à qui on doit pourtant l’improbable unité qu’ils ont réussi à établir entre des gaulois si différents les uns des autres. Celle-ci a franchi des étapes décisives à la fin du Moyen Age, avec les rois Philippe Auguste, Louis IX et Philippe le Bel. Les « pays d’oc » ont été intégrés à la couronne, quoique souvent avec violence (cf la croisade des albigeois, la persécution des cathares). Le Roi personnifiait alors cette unité toujours instable, toujours menacée. La Révolution Française prétendit remplacer un roi inutile et injuste par la Volonté du Peuple, soi-disant seule légitime. Mais dans le peuple, tous ont droit à la parole. Et pour que la république fonctionne, il est important que s’établisse, entre le peuple et ses représentants, une relation de qualité et de vérité. Or le peuple reprend sa parole lorsque ses représentants ne disent plus la vérité. Dans le dossier des regroupements régionaux, le peuple, non consulté, s’exprime face aux énarques qui jouent au Monopoly. Le déclin, c’est quand tout le monde se remet à parler. Et que dit le peuple au nom de qui la Révolution fut faite : qu’il faut en revenir à la sagesse des capétiens !

      couronnement de Louis IX, dit Saint-Louis

 

 

 

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