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site de Roland Goeller
31 janvier 2015

Un certain 7 janvier 2015

charlie-hebdo-cest-de-la-merde

notes des 8, 12 et 16  janvier:

Deux individus cagoulés, armés comme des soldats, ont fait irruption, hier, dans les bureaux parisiens de CHARLIE HEBDO et ont abattu, froidement, 12 personnes connues pour leurs talents de caricaturistes et de libres penseurs. Ils ont abattu les 12 personnes en s’écriant :  "le prophète est vengé" et, au-delà de l’horreur qu’inspire cet assassinat, ce crime, cet attentat, il importe de retrouver notre sang-froid et de mettre des mots sur les émotions qui de toutes parts débordent. 

Qui n’a pas été sidéré en prenant connaissance de la chronologie des événements, et à quoi tient la sidération ? Le seul  crime des hommes et femmes froidement exécutés fut d’avoir exprimé des opinions à l’aide de dessins ou de caricatures. Ils l'ont payé de leur vie, et cela nous sidère. Cela nous sidère car nous nous croyions en une démocratie occidentale émancipée par les Lumières et l’héritage de la Révolution. Nous avions la conviction que toutes choses ou presque pouvaient être dites et nous découvrons que douze hommes  et femmes ont payé de leurs vies le fait d’avoir dit certaines choses que nous tenons pour anodines, drôles, satiriques ou encore humoristiques. Nous découvrons que notre république démocratique que nous croyions solide et étanche comporte de vastes zones d’ombre dont nous ne soupçonnions pas l’ampleur. Nous découvrons aussi que nous sommes assis sur un  volcan entré en activité depuis quelques temps déjà, car les victimes vivaient sous protection policière et d’autres attentats de cette nature auraient été déjoués. Enfin nous concevons une horreur entière en prenant la mesure du fossé qui existe entre ce que nous croyions et la réalité des choses.

Nul mobile crapuleux cependant dans l’attentat, ni braquage de banque, ni même vendetta ou vengeance personnelle. Les auteurs de l’attentat ne connaissaient pas personnellement leurs victimes, quoiqu’ils n’ignorassent pas qui elles étaient. L’attentat est comparable à celui qui a coûté la vie en 1982 à George Besse, le patron de Renault. Le mobile était lui aussi idéologique, quoique dans un autre registre. Cependant, la présence d’un mobile idéologique, associé à l’emploi d’armes de combat et d’une stratégie minutieuse qualifie l’attentat comme un acte de guerre. La détermination et la froideur dont les auteurs ont fait preuve qualifient ceux-ci comme soldats dans le cours d’une mission.

Sans doute convient-il d'intégrer, dans l'édifice de notre représentation, l'existence d'un état islamiste qui prône des actions violentes. Cet état non seulement forme des combattants mais il agit aussi comme centre de gravité, attirant à lui des jeunes gens bien souvent aux structures mentales malléables dont il libère les fanatismes de leurs inhibitions. Pour autant, comme dit A.Finkielkraut, "la France n'est pas en guerre, mais la guerre est en France". Une guerre qui a priori implique des terroristes s'est invitée sur son territoire et concerne dès lors toute sa population.

Indiscutablement, les auteurs de l’attentat de CHARLIE HEBDO ont commis celui-ci en se revendiquant de l’Islam mais, de même que les opinions publiques n’étaient en rien responsables des crimes que les Brigades Rouges avaient perpétrés en leur nom, de même l’immense majorité des Musulmans ne porte pas de responsabilité dans l’attentat de CHARLIE HEBDO. A ce stade et de façon stricte, aucun amalgame ne doit être commis. Il y a dans l’Islam une grande variété de mouvements et les agissements – violents -des plus extrémistes ne peuvent imputés à tous les autres. De même que les Chrétiens dans leur grande majorité ne furent en rien responsables des crimes commis, naguères, par l'Inquisition ou les Conquistadores.

Cette absence directe de responsabilité pénale ou morale n’exclue pas les questions et les prises de conscience. S’il faut se défendre de l’amalgame (lequel consisterait à dire que tous les Musulmans seraient des terroristes), il n’en faut pas moins se défendre dorénavant de toute usurpation. De façon générale, si un individu lambda commet un larcin ou un crime en se faisant passer pour un autre, cet autre devra peu ou prou faire la preuve de son absence d’implication. Las auteurs de l’attentat ont prétendu commettre celui-ci au nom de l’Islam, il importe donc que toutes les personnes qui se réclament de l’Islam et qui ne cautionnent pas sa forme violente le proclament, non pas chaque jour et à chaque instant, mais de façon suffisamment explicite. Dans le monde anglo-saxon, cette distance a pris la forme "Not in my name". En conséquence les Musulmans de France, et d’ailleurs, sont invités, à l’imitation du recteur Boubakeur, de proclamer l’horreur que leur inspire l’attentat de CHARLIE HEBDO. 

Du reste, que signifie le slogan "je suis Charlie" brandi par des millions de français le dimanche 11 janvier? A mes yeux et je crois aux yeux de nombreux observateurs, il pourrait sgnifier: je suis touché, je suis endeuillé. Sans doute les Musulmans modérés (ceux que l'horreur des attentas sidère) sont-ils eux-aussi endeuillés, à tout le moins consternés, et s'ils ne se reconnaissent pas en CHARLIE (le magazine satirique) rien ne les empêche de l'exprimer d'une autre manière.

De quoi l’avenir sera-t-il fait désormais ? A priori deux dangers nous guettent. Le premier consisterait à s’en tenir à des expressions d’indignations, deuil national, multiplication des minutes de silence ou des prétéritions de la forme "je suis CHARLIE" lesquelles bien souvent sont déléguées aux responsables communications qui protestent au nom des structures qu'ils représentent (A noter qu'à l'ère de la téléréalité et de l'indignation, il n'est plus nécessaire de présenter directement des respects ou des sentiments, on peut se faire représenter!). Il y a donc un risque que nous en restions à l’indignation sans que les choses par la suite ne changent en profondeur et que l’on continue comme avant. Nous serions ainsi solidaires de Cabu, Charb, Honoré ou Maris, mais pas trop, et pas trop longtemps.

Le second danger consisterait à ne pas s’emparer des changements nécessaires : le premier, dans les rangs des bonnes âmes lesquelles depuis des lustres cassent du sucre sur le dos des Cassandre et dégainent un peu vite l’argument d’islamophobie. Comme dit Dominique Reynié, il s’agit pour elles de ne pas entretenir de confusion entre "peur de l’islam" et "haine de l’islam". Pour beaucoup de gens, l’Islam fait peur sans qu’ils songent pour autant à s’en prendre aux Musulmans. Et peut-être aujourd'hui, les raisons d'avoir peur sont-elles plus nombreuses. Il s’agit cependant, dans cette peur, de démêler ce qui est objectif et ce qui est irrationnel, et renoncer à la posture offensée consistant à excommunier toute personne qui évoquerait cette peur.

Le second changement souhaitable consiste à questionner la posture des Musulmans eux-mêmes dans leur volonté de mener une vie communautaire, halal, impliquant des séparations, des ségrégations au niveau des repas, de la nourriture, de la santé, des soins, des bains …, des séparations au-delà des stricts comportements cultuels. D’une certaine manière, les victimes de CHARLIE HEBDO sont en rapport avec l’échec de la définition de l’identité nationale, laquelle, par défaut, se démultiplie en autant de communautarismes.

D’aucuns, ici et là, revendiquent la conduite d’une guerre aux terroristes. C’est oublier que ceux-ci n’ont pas de visage et l’expérience des deux guerres d’Irak devrait nous apprendre que l’armée la plus forte du monde ne parviendra jamais à réduire au silence des combattants radicalisés qui de surcroît sont confondus avec la population civile. On fait la guerre aux terroristes seulement en les isolant des opinions publiques dont ils se proclament les étendards. La guerre contre le terrorisme se gagne dans la refondation de la société civile. Aussi importe-t-il d’aller au-delà des protestations formelles et de ne pas pactiser, de ne pas collaborer pour user d’un concept hautement connoté que j'utilise dans sa stricte sémantique de collaboration, antisémitisme en moins. De Gaulle s’était exilé à Londres pour continuer le combat. Nous aurons à continuer un combat de même nature, mais sur notre sol, le combat de la tolérance et de la refondation contre celui du jihad. Renoncer serait la ruine de notre monde !

 

 

notes du 12 janvier 

Le monde entier a été CHARLIE HEBDO en ce grand jour de deuil national. C'est du moins l'image qu'en donne TF1, A2, BFM-TV et consorts ... Les reporters multiplient à l'envi les témoignages d'indignation et de solidarité, se montrant particulièrement gourmand lorsque les témoins semblent musulmans. Métropole après métropole, ville après ville, les chiffres sont impressionnants. C'est comme si on prodécait à une forme de démonstration par l'absurde inversée: non pas un contrexemple pour infirmer une théorie mais le recensement de tous les cas qui illustrent la théorie selon laquelle "l'immense majorité des français ...". Que pouvons-nous encore craindre après cet exercice de ferveur nationale? Cabu, Charb, Honoré et Tignous, désormais élevés au rang de héros de la nation, ne sont pas morts pour rien!

Pourtant!

Les réseaux sociaux et la blogosphère laissent filter ici ou là, quelque chose qui ressemble à un bémol. Les médias ont tendu leurs micros à tous ceux qui sont indignés, une majorité il est vrai, mais ils ont soigneusement évité les écoles ont des élèves ont refusé de s'associer à la minute de silence. Ils ont soigneusement évité les prosélythes qui continuent de professer une charia agressive et que l'horreur des attentats n'a en rien découragés. Il ne s'agit pas de citer ces derniers à un quelconque tribunal, ils n'ont rien fait, et je persiste à penser qu'une opinion ne saurait fournir matière à délit. Mais cette minute de silence à laquelle ils ont refusé de s'associer, il serait juste que l'on sache ce que contenait leur protestation, leur refus. Même si elle est majoritairement opposée à un prosélythisme violent, il serait juste que l'opinion sache qu'il reste des sympathies et des résistances qui font peser une menace sur la concorde républicaine. La presse, si avide de consensualité, eut été bien inspirée de faire son travail et de parler de cet autre versant, de ces enseignants face à des élèves hostiles pendant la minute de silence, de ces prosélythes toujours actifs. Au lieu de celà, elle a médiathiquement et unilatéralement proclamé la fin du fanatisme en France!

 

 

notes du 21 janvier

A peine le dernier numéro de CHARLIE est-il paru (mercredi 14) que partout dans le monde se propage une vague de violences et d'autodafés sans précédant, une vague prenant pour cible à la fois l'hebdomadaire, les intérêts français et les églises catholiques (selon une logique résolument impénétrable!), une vague portées par des populations disparates et dispersées, sans rapport les unes avec les autres, ayant certainement d'autres chats à fouetter que de passer au crible les unes de la presse française. Cela suppose une organisation structurée et puissante, dotée de moyens, d'appuis, de stratégies et d'exécuteurs des basses oeuvres, une organisation capable de fédérer des millions de personnes dans le monde (autant voire plus que n'en ont fédérés les attentats de Paris). Cette vague de violences dans le monde répond à la marche, pacifique elle, du 11 janvier, où des millions de personnes se sont proclamées CHARLIE sans toujours savoir ce que cela veut dire, mais ces deux mouvements qui se répondent avec des échos démultipliés permettent de mesurer l'ampleur du fossé qui désormais sépare deux mondes.

Toute véritable foi répugne à se donner en spectacle, à faire la preuve de sa force.

Le Coran déroule ses versets au nom, je cite, d'Allah le Miséricordieux. Ses versets en apparence agressifs sont toujours atténués par d'autres qui recommandent la tolérance et la témpérance. Comment dès lors revendiquer et prôner des actions violentes au nom du Coran?

Les événements du 11 septembre 2001, sur le territoire américain, nous ont sidéré par leur audace, leur soudaineté et le nombre des victimes. Ceux du 7 janvier 2015 à Paris nous sidèrent par autre chose. Il y eut hélas d'autres attentats depuis le 11 septembre mais aucun n'a atteint le degré de sidération de ceux du 7 janvier. Les attentats de Londres, de Madrid, ..., sont tous le fait de terroristes qui se réclamaient de l'Islam mais les victimes en étaient anonymes, non ciblées, des individus dans une foule qui avaient eu le malheur d'être au mauvais endroit au mauvais moment. Au siège de CHARLIE en revanche, il s'agissait d'autre chose, les assassins ont exécuté une fatwa, ils ont exécuté des hommes et des femmes depuis longtemps désignés comme individus à abattre, par des prédicateurs qui en ont décidé ainsi, quelque part hors de notre territoire, sans procès ni jugement, le visage masqué, sans considération de nation ou de frontière. Ils ont exécuté des hommes et des femmes au seul motif d'avoir osé rire de Mahomet, ce qui, aux yeux des exécuteurs et de leurs commanditaires, a valeur d'irréparable blasphème. Ils ont donné à comprendre aux occidentaux que désormais toute personne qui rirait de Mahomet, ou qui le représenterait, serait à leurs yeux un coupable potentiel à abattre, un jour ou l'autre. Ils donnent à comprendre qu'il n'y aura plus de repos pour un occidental qui se rendrait coupable de blasphème, aussi humble soit-il, "crime" que les moyens modernes de surveillance et de transmission (internet ...) porteraient tôt ou tard aux oreilles de ceux qui se prétendent maîtres de l'orthodoxie cultuelle et rituelle. L'horreur et la sidération viennent de là: nous nous croyions protégés par la république et nos institutions, mais le plus humble d'entre nous est désormais sous surveillance et, s'il lui échappe un propos qui déplaise, même par inadventance, celui-ci tombera dans le pavillon de cette gigantesque oreille internationale et armera, un jour ou l'autre, le bras d'un vengeur aussi anonyme que lui, qui cependant prétendra accomplir une mission divine.

Il règne sur notre pays une sorte de chape de plomb laquelle, notamment, conduit à brandir inconsidérément l'épithète "islamophobe", même à propos de questions objectives. Cette chape n'en sera que plus lourde désormais. Certes les repreneurs de CHARLIE prétendent continuer le combat, cependant, passés les premières semaines de baroud d'honneur, retombé le soufflé de la ferveur nationale manifestée le 11 janvier, les plumes et les crayons réfléchiront à deux fois avant que de commettre ce qui il y a un mois encore s'appelait satire et qui, désormais, s'appellera blasphème. Et, passée la vague d'émotions soulevée par les attentats mais aussi par les représailles un peu partout dans le monde, les pharisiens en appelleront à la mesure, au compromis, au renoncement négocié. Puisque les caricatures offensent, renonçons aux caricatures, diront-ils. Certaines mouvances chrétiennes n'ont trouvé rien de mieux que de leur emboîter le pas, elles-aussi se sont senties offensées par les caricatures de CHARLY et, à l'évidence, ne disposaient pas de l'humour dont elles prétendaient avoir fait preuve. Je veux en revanche saluer l'initiative courageuse et pédagogique des pères jésuites qui ont mis sur leur site des couvertures de l'hebdomadaire en déclarant que leur foi était assez solide pour ne pas craindre le rire bête!

Il y a confusion entre humour et moquerie. CHARLIE est un hebdomadaire non pas humoristique mais satirique et moqueur, qui suppose que ses cibles ont assez d'humour pour ne pas en venir aux mains. L'humour (ou son absence) est du côté de la cible, la moquerie de celui du crayon. Cependant, toute foi véritable répugne à se donner en spectacle et ne craint pas la moquerie. La fanatisme se reconnait à son absence d'humour.

 

 

note du 23 janvier

L'exécution de CHARB et de ses amis renvoie à la fatwa qui depuis près de 20 ans pèse sur l'écrivain anglo-saxon Salman Rushdie, "condamné à mort" pour avoir attribué à Mahomet des "versets sataniques" dont la liberté de ton a déplu à des théocrates aveuglés par leurs certitudes unilatérales. CHARB et ses amis étaient loin d'avoir la célébrité de SR, ils n'ont pas bénéficié du même degré de protection policière et l'ont payé de leurs vies. leur exécution est un avertissement plus général donné à l'occident: désormais il n'est plus nécessaire d'être un personnage public de premier plan, le premier quidam à qui il viendrait l'idée de proférer des propos ou produire des représentations, jugés offensants aux yeux de barbus ombrageux et  fascistes, se verra poursuivis de leur vindicte meurtrière jusqu'au bout du monde. Le ressort profond de la marche JE SUIS CHARLIE du 11 janvier tient dans la conviction, largement partagée, qu'une étape est franchie dans l'intimidation et la menace que fait peser un islam conquérant sur l'occident anésthésié dans sa laïcité béate et indéchiffrable.

 

 

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Commentaires
V
Il est bien tard lorsque je découvre votre message au sujet du 7 janvier, de ce qui le précède et de ce qui risque de le suivre, indiscutablement. Et je suis heureux de vous avoir consacré les dernières minutes de ma journée de travail. Merci de m'avoir offert votre point de vue car il me serait difficile de trouver dans votre texte, la phrase qui me choquerait ou que j'aurais le besoin de contester. Par paresse et par conviction, je vais en recommander la lecteur attentive à mes propres lecteurs de "Vu du Donon". Merci pour votre analyse que je fais mienne sans aucune hésitation. PT
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