Les marchés
Il y a des marchés aux fleurs et des marchés d'objets d'art, des marchés qu'on honore et d'autres qu'on dénonce, des marchés de matières premières et des marchés de déchets, des marchés d'indulgences et des marchés d'influences, des marchés d'armes et d'autres de numismatique, des marchés sur parole et d'autres sur contrats, des marchés de fruits et légumes et des marchés de jouets d'occasion, des marchés de vieux livres et des marchés de babiolles, des marchés où l'on flane et d'autres où l'on fouine, des marchés gagnés et des marchés perdus, des marchés où tout est hors de prix et d'autres où tout est bon marché, des marchés d'initiés et des marchés de dupes, des marchés d'enfants volés et d'autres de filles perdues, des marchés où marcher vraiment et d'autres à parcourir avec une souris, des marchés vrais et des marchés virtuels, des marchés d'offres et des marchés de demandes, des marchés où les femmes se donnent et d'autres où elles s'achètent, des marchés noirs et des marchés beaux comme des arcs-en-ciels, des marchés d'où l'on revient avec des objets et d'autres avec des promesses, des marchés privés et des marchés publics, des marchés où l'on croise des gens et d'autres où on les rencontre ...
Que s'est-il passé pour qu'un mot aussi petit désigne tant de choses et de situations? La réalité est-elle devenue polymorphe et protéiforme? Le terme "marché" ne désigne plus un lieu précis mais ce qu'on y fait, peu importent les moyens. Pourtant, poètes et paysans ne connaissent d'autres marchés que ceux qui s'arpentent à pieds et galoches. Les bobos viennent y respirer l'air d'autan mais passent à côté d'eux sans les reconnaître.