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site de Roland Goeller
13 mai 2015

Collèges, une réforme pour quelle égalité?

 

charlemagne

La réforme du collège et de l’enseignement, portée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, est doublement incompréhensible et polémique. Le projet consiste en la suppression des classes bilingues et la requalification (relégation ?) du latin et du grec en EPI (enseignement pratique interdisciplinaire,  plus ou moins optionnel). La ministre prétend ainsi en finir avec « l’élitisme », au nom de « l’égalité des chances ». De nombreux intellectuels s’élèvent contre ce projet dont ils contestent le risque de « nivellement par le bas », intellectuels que la ministre n’hésite pas à qualifier de conservateurs, voire de réactionnaires. « Il y a une différence essentielle entre les progressistes et les conservateurs. Les premiers combattent les inégalités quand les seconds en théorisent la nécessité », déclare-t-elle non sans indignation, en réponse au philosophe Alain Finkielkraut qui prétend : «Il n'appartient pas à l'école républicaine de combattre toutes les inégalités, mais d'assurer, autant que faire se peut, l'égalité des chances pour donner à chacun sa juste place selon ses aptitudes et son mérite ». Qui croire ?

 

En toutes choses, il convient de distinguer l’esprit et la lettre. Mais ce débat s’obscurcit à cause des efforts permanents que font les uns et les autres pour ne pas nommer les choses, pour confondre les moyens et les fins, pour prendre les vessies pour des lanternes. Le collège actuel est inégalitaire, prétend la ministre qui veut rendre compte d’une certaine réalité mais, hélas, se trompe de vocabulaire, elle qui pourtant professe l’excellence !   Le collège unique a été instauré depuis presque 40 ans déjà et, malgré cela, certains établissements sont réputés par leur enseignement et leurs résultats tandis que d’autres défraient la chronique par la récurrence de leurs dysfonctionnements et l’échec de leurs élèves. L’égalité des moyens n’implique nullement l’égalité des résultats. Que se passe-t-il en réalité ? Les citoyens réagissent avec pragmatisme, même (et surtout) ceux professent l’égalitarisme. Pour que leurs enfants suivent un enseignement de qualité, ils les inscrivent dans des collèges bilingues français-allemand. L’allemand étant réputé difficile d’apprentissage, il y a de fortes chances que les chérubins y côtoient des « cracks » plutôt que des « cancres ». Cela signifie que, dès l’origine, le principe de collège unique ne répond pas à la réalité socio-culturelle, laquelle est tout sauf homogène. Le collège unique prétendait apporter une réponse homogène à une réalité hétérogène, sans que personne n’y trouve son compte. Le collège unique dans sa version bilingue répond en revanche au principe de réalité, et c’est bien à ce principe que la ministre s’attaque en prétendant vouloir réformer le collège. Ce n’est pas le collège qui se montre « inégalitaire », mais les conditions socio-culturelles (la réalité) dans lesquelles le collège unique est invité à enseigner. Le collège a-t-il dès lors pour vocation de corriger ces inégalités, s’interroge le philosophe et sa question n’est pas dénuée de fondement.

 

Car vouloir supprimer les classes bilingues consiste à s’attaquer aux « îlots d’excellence » (« îlots d’élitisme » diraient les progressistes chers à la ministre) où les élèves sont pragmatiquement mis en présence de « cracks » plutôt que de « cancres ». Au nom de « l’égalité des chances », les « bons élèves » ne seront plus « triés ». Ils courent dès lors le risque d’être moins bons, mais les cancres verront-ils pour autant leurs « chances » s’accroître ? Il n’est pas interdit de penser qu’un résultat inverse ne se produise : lorsque les « bons élèves » sont noyés dans la masse, les « élèves moins bons » en viennent à penser qu’ils constituent la référence et ne cherchent plus à s’élever. Que vaut encore le Bac lorsque 90 % des effectifs d’une classe d’âge le décrochent ? Le caractère problématique de la posture de la ministre apparait de plus en plus. A quoi veut-elle s’attaquer lorsqu’elle prétend lutter contre « l’inégalité des chances » ? A l’inégalité des conditions socio-culturelles ou à l’inégalité des potentiels personnels des élèves ? Pense-t-elle vraiment que 90% des effectifs d’une classe d’âge sont capables de faire l’ENA ? A vouloir le penser, n’est-elle pas tentée de « baisser » artificiellement le niveau de l’ENA ? N’est-ce pas ce qu’elle est en train de vouloir faire avec la suppression des classes bilingues : mettre en option ce qui permettra de faire la sélection afin que 90% des effectifs de la classe d’âge puissent satisfaire aux exigences du tronc commun, quitte à « ralentir les bons élèves » en leur imposant un rythme inférieur à celui qu’ils pourraient soutenir ? En prétendant « combattre les inégalités », la ministre ne sape-t-elle pas les fondements mêmes de cette ’excellence à laquelle doit selon elle conduire "le collège de l'égaité des chances" ?

 

Autant de questions qu’il appartient à chacun de s’approprier ! Mais il apparait clairement que le débat et la polémique naissent de la difficulté (voire du refus) de définir ce qu’est l’égalité et en quoi consiste « l’égalité des chances ». La nature produit de l’inégalité entre les hommes, les uns sont riches en esprit, les autres sont pauvres en esprit, mais « Dieu accueille chacun en son royaume », comme disent les chrétiens. La nature ne répartit pas les chances dans un esprit d’égalité, c’est ce qu’acceptent les conservateurs lorsqu’ils prétendent qu’il faut de tout pour faire un monde. C’est ce qu’en revanche refusent avec acharnement les progressistes, lesquels n’hésitent pas à vouloir corriger jusqu’aux imperfections de la nature. « En finir une bonne fois pour toutes avec ces atavismes familiaux », s’exclamait Vincent Peillon, prédécesseur de NVB. Le régime de Ceaucescu a imposé cela à la Roumanie, on sait quelle misère morale en a résulté !

 

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