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site de Roland Goeller
30 juin 2015

Référendum grec et dilemne européen

 

 

athena

L’été arrive et glisse dans nos bagages estivaux un lot inhabituel de crises et de tragédies. L’Etat Islamiste fête le premier anniversaire de la proclamation de son califat (29 juin 2014) et s’enorgueillit d’actes de barbarie que d'aucuns s’acharnent à vouloir ranger dans la case des singularités terroristes. Ces actes se multiplieront  avec la propension à « mal nommer les choses » (ce qui « ajoute au malheur du monde » cf Camus) et à ne pas désigner les ennemis par leurs noms. Les progressistes continuent à bêler des mantras de paix, tout en feignant d’ignorer le dicton romain: si vis pacem para bellum. Mais c’est à l’actuelle crise grecque que ce billet est consacré. Cette crise entre dans une phase critique où inflexibilité européenne et intransigeance grecque campent les nouveaux Charybde et Scylla entre lesquels le peuple grec, déjà éprouvé, est invité à naviguer.

En effet, que s’est-il passé depuis l’arrivée au pouvoir du parti grec Syriza et de son charismatique leader Tsipras ? C’était le 26 janvier de cette année. L’Europe avait proposé à l’état grec un plan d’assainissement des finances publiques que le prédécesseur de Tsipras, le conservateur Samara, s’était engagé à mettre en œuvre, avec des conséquences sociales certes difficiles mais aussi quelques signes encourageants de redressement. Tsipras aura convaincu le peuple grec (une petite majorité) que l’ampleur et l’origine de la dette rendaient l’assainissement impossible, voire inconcevable. Il aura procédé à une lecture polémique et historique de la dette : celle-ci serait apparue à la suite de l’argent facile déversé par une Europe réputée cynique sur un peuple grec médusé. Il y a sans doute une part de vérité dans cette analyse, mais cela exonère-t-il l’état grec de sa responsabilité européenne ? C’est pourtant ce que veut faire croire Tsipras, lequel est d’autant plus disert sur le soi-disant cynisme européen qu’il est muet sur les carences de l’état et de l’administration grecs (lesquels sont de sa responsabilité).

Le 26 juin dernier, l’Europe se montre inflexible (cruelle, prétend Syriza) et refuse à l’état grec le sursis sollicité pour l’échéance du 30 juin (remboursement d’une créance du FMI). L’Europe veut bien lâcher un peu de lest, mais en échange d’engagements peu différents de ceux que Samara avait acceptés et que Tsipras s’était fait fort de dénoncer comme léonins. Nous sommes donc dans l’impasse et l’Europe en appelle (une fois de plus) à la « raison » de Tsipras lequel ne trouve rien de mieux à faire que de proposer aux électeurs grecs un référendum selon les termes duquel ils auraient le choix entre les propositions grecques ou les propositions européennes.

Or la dette grecque ne peut être remise une nouvelle fois, elle le fut déjà dans une proportion non négligeable, elle ne peut pas l’être plus. Le serait-elle, le château de cartes européen s’effondrerait en ce que l’Europe laisserait entendre que la tenue des engagements est facultative alors même que nombre de pays en difficultés (Irlande, Portugal, Espagne …) ont fait les réformes adéquates. Céder à Tsipras reviendrait à renier l’Europe, laquelle est tenue de donner un signe fort. Aussi, avec le référendum, les destinées grecques (et européennes) retournent entre les mains des électeurs grecs. Si ces derniers désavouent leur leader, l’Europe ne pourra pas ne pas en tenir compte et ne pas faire un geste, à la différence que nous aurons perdu six mois avec l’aventure Syriza. Si à l’inverse ils confortent leur leader, alors alea jacta est !

Les épargnants grecs ont déjà retiré une partie de leurs économies et les banques grecques ont limité les retraits, tandis que les places européennes dévissent. Si les grecs reconduisent Tsipras, alors le défaut de paiement sera avéré et l’état grec renoncera de facto aux financements européens. En d’autres termes, la Grèce sortira de l’euro de facto, hypothèse que n’envisagent pas les dirigeants européens (Juncker en tête) tant ils sont convaincus que les électeurs grecs retrouveront la sophia de leurs ancêtres. Il faut hélas envisager que tel pourrait ne pas être le cas : qui est aux abois envisage souvent la politique du pire. Privés d’euros, l’état grec serait dès lors contraint de ré-instituer  la drachme, avec pour conséquence une dévaluation, de facto, de 20 à 30% des avoirs. La misère que connait le peuple grec serait amplifiée d’autant. L’Europe elle aussi serait ébranlée : les créances perdues pèseraient sur les économies de ses membres (pour la France quelques 80 milliards d’euros !) et le crédit de l’Europe (sa mission salvatrice) serait quelque peu écorné, quoique l’épreuve de vérité ne soit jamais destructrice.

Face aux événements graves, il appartient aux leaders politiques de dire la vérité, surtout lorsque la boîte de Pandore est ouverte. Il appartient à Tsipras d’expliquer à son peuple ce qui l’attend s’il persiste à demander l’impossible à l’Europe. Et les soutiens (bravaches ?) dont il continue de bénéficier mettent le peuple grec devant un abîme plus profond que le tonneau des Danaïdes. Dans ce contexte l’intransigeance du leader grec confine à l’hybris (orgueil ?), et dès lors fassent les dieux qu’il ait dans son entourage un Démosthène pour lui rappeler que la Némésis n’est jamais très loin de l’hybris.

 

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