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site de Roland Goeller
24 août 2018

Caddy

 

 

caddy

L'homme tient son quartier général sur le parking de la supérette de la Route de Toulouse où les gens du quartier, parfois des gens de passage, viennent s'approvisionner, les plus âgés, les moins mobiles en début de matinée, lorsqu'ils peuvent arpenter les linéaires en toute liberté, les plus jeunes en fin de journée, après le travail, souvent accompagnés de jeunes enfants récupérés à la hâte chez une nourrice, parfois seulement pour emporter une bouteille d'huile ou une plaquette de beurre, oubliées lors des courses hebdomadaires dans l'hyper voisin d'où on ne sort qu'avec un caddy rempli à ras bord. L'homme lui aussi pousse un caddy sur lequel il a fait main basse à l'aide d'un jeton glâné à l'accueil. Le caddy est abimé, l'une des roues devenue folle à force d'usage agressif, mais peu lui importe. Le caddy est rempli à ras bord, sédimenté, des couvertures, des cartons, des conserves, des bouteilles et d'autres choses encore, indistinctes, empilées selon des combinaisons secrètes. D'où vient-il ? Que fait-il lorsqu'il n'arpente pas le parking en long et en large, à la recherche d'une opportunité, d'un brin de conversation ou d'un havre éphémère. Où dort-il ? Parfois, il se tient à proximité du carré des caddies, adossé au chambranle. Les gens se sont habitués à lui, certains le gratifient de trois mots, d'autres d'un sourire. Il porte des montures à verre épais qui donnent à son visage ovale et barbu, rougi par le soleil et les excès de boissons, un air bonhomme. Sa conversation a quelque chose de plaisant, n'étaient son allure légèrement crasseuse qui inspire quelque inquiétude et sa propension à l'entreprendre à tout prix, ou la prolonger au delà du délai raisonnable qui sied aux conversations impromptues, dont l'homme qu'il est devenu, relégué, chômeur de longue durée, sans domicile fixe, séxagénaire n'ayant pas encore atteint l'âge légal de la retraite, peut-être espérant quelque galanterie, a perdu toute mesure. Il dépose son caddy à l'entrée de la supérette - qui songerait à le dépouiller de son maigre bien ? - et distribue quelques bons mots aux caissières lesquelles le gratifient de quelque menue monnaie. Et lorsqu'il aperçoit la jeune femme rom affectée à la mendicité devant la supérette, il ne manque jamais de prendre de ses nouvelles, surtout depuis qu'elle se présente avec un oeil au beurre noir dont elle ne sait expliquer la provenance.

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