Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
site de Roland Goeller
20 avril 2019

Notre-Dame de Paris, entre larmes et colère

La seule chose qui permet au mal de triompher, c’est l’inaction des hommes de bien. (Edmund Burke) 

 

marquet-ND paris

En ce lundi, 15 avril, de la semaine de Carême, la cathédrale Notre-Dame de Paris fut ravagée par un incendie que les pompiers eurent toutes les peines du monde à maîtriser. Badauds, curieux, touristes et (quelques) fidèles assistèrent, impuissants, aux progrès des flammes qui embrasaient le ciel vespéral et poussèrent une douloureuse clameur lorsque s’effondra la flèche restaurée par Viollet-le-Duc.  D’aucuns, déjà, furent surpris par la vélocité et la voracité du brasier, à se dire… Au petit matin, dans la grande nef et le transept, ne restèrent que décombres fumants parmi lesquelles on recensait les œuvres d’art qui avaient échappé à la destruction. 

Notre-Dame en flammes ! Pour d’aucuns, il ne s’agit que de charpentes séculaires qui partent en poussière et vitraux multicolores dont il ne reste que débris. Pour d’autres, les passéistes, les cul-bénis, les pieux, les humbles, les héritiers, les…, pour ces autres, que les progressistes affublent de l’apostrophe réacs, mais qui sont avant tout conservateurs de traditions, c’est un millénaire qui s’effondre. Car la matière, chêne, verre, bois, bronze, calcaire, marbre ou encore soies… la matière porte les marques et les signes de l’esprit. Des compagnons peu soucieux de renommée l’ont façonnée, avec art et patience. Ils ont rendu hommage au Dieu chrétien et y ont inscrit une connaissance, architecturale, graphique, plastique, acoustique… qui vient du fond des âges et qu’ils voulurent léguer aux générations futures en espérant qu’aucune ne serait assez négligente, folle, désinvolte, profane, blasphématoire pour la laisser se perdre. Notre-Dame, posée tel un joyau dans l’écrin de l’île de la Cité, était la quintessence des savoir-faire acquis à la fin du Moyen-âge, depuis les débuts de l’art roman jusqu’aux derniers feux de ce gothique flamboyant ! Las !

J’étais à Bordeaux et me dépêchai d’allumer la télévision. L’événement me touchait comme s’il s’agissait de ma propre maison. Les images sur les chaînes en continu étaient insoutenables, les propos et les commentaires, insupportables. Sur les plateaux défilaient tant d’experts en sinistres que l’on fut en droit de se demander comment les incendies pouvaient prendre (la cacophonie médiatique met en scène un monde virtuel pourvu d’innombrables outils et ressources que personne ne semble être en mesure de mettre en œuvre dans le monde réel). Peut-être découvrira-t-on que les pompiers, les seuls à disputer d’édifice aux flammes de l’enfer, ne disposaient pas de tous les moyens souhaitables, alloués à d’autres postes budgétaires par un jeu d’arbitrages aussi opaques qu’aléatoires. Peut-être découvrira-t-on que le sinistre n’a rien d’accidentel, contrairement à la thèse qui avait cours dans presque toutes les rédactions alors même qu’il n'était pas maîtrisé et qu’aucune enquête ne fut diligentée… La défiance dont font l’objet élites, politiques et journalistes est telle que toute déclaration est aussitôt suspecte et suspectée. Les rumeurs naissent et enflent en même temps que les prises de paroles qui présentent toujours l’arbre derrière lequel on veut dissimuler la forêt. Les propos officiels ont, tant de fois, recouvert des mensonges !

Sinistre consécutif à des négligences ou des malveillances ? L’enquête sera longue (et vraisemblablement illisible), mais, d’ores et déjà, le dol est si grand que la cause (quelle qu’elle soit) en paraîtra dérisoire. Si le joyau de la chrétienté française et chef d’œuvre du millénaire capétien a été la proie des flammes, c’est que ceux-là mêmes à qui il fut légué n’en ont eu ni le soin ni la dignité. En fils prodigues peu soucieux des prières (mais comptables du chiffre d’affaires touristique), ils ont fait preuve de coupables négligences, soit d’avoir confié la maintenance à des sous-traitants ignorants de l’esprit du compagnonnage, soit d’avoir toléré la présence de pyromanes potentiels. Les lieux saints de la chrétienté, depuis longtemps déjà, ne sont plus gardés, portes (naïvement) ouvertes, disponibles pour toutes sortes de profanations et prédations parmi lesquelles les selfies hilares sont les plus vénielles. 

La thèse de l’accident est d’autant plus indécente que le sinistre intervient peu après la vandalisme de la Basilique St-Denis, l’incendie criminel de St-Sulpice (et tant d’autres atteintes aux lieux de culte, chrétiens, restées ignorées, boudées par des médias avides d’autres sensations et promptes à dénoncer la moindre atteinte à d'autres cultes), mais aussi le profanation de la tombe du Soldat inconnu ou, il y a trois ans, le déferlement de hordes en liesse dans les cimetières de Verdun lors de la commémoration du Centenaire de la Grande Guerre. Si tant d’événements sont survenus, attentatoires à la mémoire et aux symboles (de notre civilisation), que n’a-t-on redoublé de prudence ! Si des intentions malveillantes sont repérées et connues (comme le projet d’attentat à la bonbonne de gaz, à proximité, justement, de Notre-Dame), que n’entrave-t-on plus fermement les pyromanes !

Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, il est à craindre, hélas, que d’autres événements funestes surviennent. Notre décennie n’est pas seule responsable. Elle est cependant l’aboutissement de nombreuses décennies de désinvolture et d’utopies qui ont porté au pouvoir des hommes et des femmes qui flattent au lieu d’en appeler aux responsabilités, qui promettent au lieu d’expliquer les enjeux, qui opacifient le discours au lieu de le rendre lisible, qui déconstruisent au lieu de consolider (Sur le devant de la scène, les politiques déversent sur les ondes et les écrans une compassion fort pharisienne. D’aucuns s’en lavent les mains et feignent ne pas se souvenir d’avoir ignoré, accompagné, voire attisé, le délitement et l’indifférence au sacré dont le sinistre n’est que la conséquence. Les hauts-lieux de culte s’effondrent toujours lorsque le peuple regarde ailleurs).

La cathédrale sera peut-être reconstruite, mais si l’esprit de la nation ne se ressaisit pas, rien ne permettra de reconstruire la civilisation qui, selon la prophétie de Paul Valéry, est en train de périr. 

 

 

NB : Cinq ans, tel est le délai de reconstruction dont les Président Macron prend l’engagement devant les Français. Cinq ans ! Alors qu’il a fallu cent cinquante ans, au bas mot, pour construire Notre-Dame. Les géants du BTP et les architectes futuristes s’en lèchent les babines. L’incendie n’est que la première étape de la profanation. 

NB : Les langues se délient. Des experts et architectes font état des nombreuses précautions engagées autour de la maintenance de Notre-Dame. Ils excluent un court-circuit. La vitesse de propagation des flammes leur est incompréhensible. 

NB : A la certitude de l’accident (plutôt que l’attentat) succède la communion des dons et des promesses. La cathédrale ruinée par les flammes fédère plus que ses ors et merveilles. 

NB : Les indignés s'indignent de l'importance des dons proposés pour la reconstruction de ND. Ils en exigent l'affectation à des causes, sociales, selon eux, plus urgentes. ces causes ont indiscutablement leur urgence Mais il y a peut-être un rapport entre l'extension de ces causes et la pert du sacré au sein de l'espace civil. La présence d'édifices porteurs de traditions millénaires est peut-être un rempart plus utile qu'on ne croit contre les misères du monde. 

 

illustration: Notre-Dame de Paris par Albert Marquet

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Difficile en effet de croire à un accident à 100% tant le feu s'est propagé à une telle vitesse. Mais j'espère avoir tort, je ne pense pas qu'on puisse avoir le souhait de détruire un tel joyau. Je serai plutôt d'avis qu'il s'agit d'une grosse négligence de la part des personnes qui travaillaient sur les lieux
Répondre
site de Roland Goeller
Publicité
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 232 166
Archives
Publicité