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site de Roland Goeller
14 mai 2020

Au jour le jour, J+47 à J+50

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3mai_J+47

Fragilité des démocraties. Confinement, verbalisations, Stopcovid, fichier informatique des malades, vaccination obligatoire, « brigades des anges-gardiens », etc., les signes de restriction des libertés publiques semblent se multiplier au nom du primat de la santé sur toute autre considération (on peut se demander si les élites en charge du bien public sont aussi soucieux de la santé publique que de leur propre allégeance à la doxa humanitariste, laquelle sert d’échelle des vertus…). Un pays dont les citoyens sont susceptibles d’être suivis à la trace par une puce électronique ou sommés de rendre compte de chaque instant de leur emploi du temps, au nom du bien public, un tel pays est-il encore une démocratie ? Les citoyens y sont-ils encore en mesure d’exprimer leurs suffrages lors des consultations électorales ? Il convient cependant de mettre ces mesures en perspective historique. Elles semblent arrivées deus ex machina ou ex abrupto mais trouvent un début d’explication dans l’état d’impréparation, de désinvolture, de déliquescence presque, du pays face à une catastrophe non envisagée quoique prévisible (et prévue par nombre d’experts et d’oracles). Pendant de longues décennies, les esprits se sont bercés dans une utopie qui enseignait la fin de l’histoire, la fin des territoires, la fin des nations, la fin des peuples, la sécurité universelle et la concorde heureuse. Et il ne manquait pas de tribuns pour en chanter les vertus. Fols, fredons et fardafets, aurait dit Rabelais. Les événements prennent leur temps mais ils sonnent toujours le glas des utopies. La planète est à la fois un paradis terrestre mais aussi un écosystème instable qui invite, en permanence, à rester sur ses gardes. Si vis pacem, para bellum ! Les démocraties cependant prospèrent pendant les années de vaches grasses et s’installent dans une certaine langueur, elles suscitent des vocations, elles se tournent vers les doxas qui plaisentà leurs opinions publiques, lesquelles, flattées (« Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute », La Fontaine. Corollaire : tout flatté engraisse celui qui l’amuse !) sont plus sensibles au souhaitable qu’au probable. Ainsi chassent-elles ces Cassandre qu’elles estiment être des oiseaux de mauvais augure ! Et, lorsque viennent les années de vaches maigres, deviennent-elles la proie de quelque tyran qui œuvre à leur bonheur urbi et orbi. (publié Boulevard Voltaire) 

Perception du sacré. La vie, la mort, le sang, le sexe, la naissance, autrui, la propriété, etc. constituent les occurrences en lesquelles le sacré se manifeste avec force, à condition de consentir à cette terreur, mystique, qui incline à délaisser les prérogatives individuelles au profit de la totalité, du monde manifesté et révélé dont l’homme n’est qu’un infime grain de poussière. Cette attitude, d’humilité, n’est cependant que l’effet de la perception, de la conscience, lesquelles, parfois, succombent à une sorte de vertige ou d’éblouissement qui peut leur fait paraître toutes choses comme absurdes.

  

4mai_J+48

« Dans une situation d’épidémie, plus encore qu’en temps ordinaire, la participation volontaire de tous est plus efficace que la soumission plus ou moins réticente -et, on le constate, de moins en moins effective- aux décisions parachutées d’en haut. » Etienne Perrot, jésuite

« La confiance n’exclut pas le contrôle », le ministre de l’intérieur Castaner citant Lénine

Un décret du 23 avril, passé totalement inaperçu (ce n’est pas une moindre calamité que la presse française, pourtant tenue comme toute presse à une information pluridisciplinaire, se cantonne au seul sujet à la mode) annonce la fermeture prochaine de 14 réacteurs nucléaires français (sur 54). Le manque à gagner énergétique sera compensé par de l’énergie intermittente (éolien, d’un coût de production doublé) complété par de l’énergie fossile (charbon…) dans un pays dont la population croît et les besoins en énergie augmentent. Nous aurons donc cette conséquence réjouissante d’un renchérissement d’environ 25% du coût énergétique et d’une augmentation non négligeable des émissions de CO2. Mais les écologistes antinucléaristes seront contents. 

« Rouvrir tous les lieux de culte n’est pas la meilleure idée pour lutter contre la promiscuité… Je pense que la prière n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement où on ferait courir un risque à l’ensemble de sa communauté religieuse » Le ministre de l’Intérieur Castaner au micro d’RTL. 

Les Échos titrent : « L’économie française ralentit plus fortement que celle de la zone euro. » Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un guide suprême, petit père de son peuple affligé ! 

 

La mort qu’on voit et celle qu’on ne voit pas. La mort est insoutenable aussi faut-il le secours de quelque haute idée ou peut-être d’une croyance pour en supporter le spectacle. A moins qu’on ne la cache ! Dans l’anonymat des métropoles où l’âme s’en va en silence, n’éveillant d’autre effroi que celui de quelques voisins au passage des déménageurs qui vident l’appartement. Dans la relégation des établissements hospitaliers où les visites finissent en calvaire. Lorsqu’il n’y a plus de communauté, la mort se cache et se commet en secret, le tocsin depuis longtemps a renoncé à couvrir le bruit des villes et les offices mortuaires réunissent quelques rares proches en toute discrétion. La mort qu’on ne voit pas n’effraye pas non plus, elle se contente de remplir de terreur celui qui s’en va, une terreur d’autant plus grande que les rives du Styx ressemblent à quelque chambre au milieu d’appartements où les voisins continuent de déplacer des chaises qui raclent et à fermer des portes qui claquent. La barque du passeur Charon accoste sous les décibels de la télévision de l’autre côté de la cloison. Souvent, il ne se trouve pas même une âme pour recueillir le dernier râle. Les âmes s’emploient à vivre, elles n’ont pas le temps de mourir, elles n’ont pas le temps d’y songer, elles n’y songent pas du reste, elles sont élevées dans l’illusion de la jeunesse et de l’éternité. Nul événement dramatique ne les a trempés dans son creuset, alors elles croient que le temps des événements dramatiques est révolu. Si vis pacem, par bellum, et quoi encore ! Carpe diem, en version consumériste ! Après moi le déluge ! Mais les Parques font leur moisson où bon leur chante et, parfois, un homme tombe du haut d’un pont, des promeneurs sont exécutés par des terroristes, le cadavre d’un enfant échoue sur une plage de la mer Égée, des nettoyeurs s’enfoncent dans le ventre d’une centrale en fusion, des individus traversent une mer à bord d’embarcations deux fois trop petites, des individus se mettent à tousser et finissent pas étouffer sans qu’on sache pourquoi, etc. La mort qui s’invite dans un monde d’où elle a été chassée effraie, affole, jette les esprits dans l’hystérie. Les journalistes s’emploient à en multiplier les images comme dans un kaléidoscope et deviennent les maîtres de cérémonie. Les caméras attendent les rescapés sur les plages, plus nombreuses que les sauveteurs, elles se promènent dans les couloirs de hôpitaux, elles déforment la réalité du monde et la restreignent aux seuls lieux où la mort s’invite sans qu’il soit possible de la cacher. Les caméras déroulent le spectacle obscène de la mort et privent les maîtres du monde de toute espèce de lucidité. 

  

5mai_J+49

Carence ou excès d’État ? Il est dans la nature des crises d’accélérer le temps et de mettre en évidence ce qui d’ordinaire retenait l’attention des seuls observateurs attentifs. La crise du Covid19 a particulièrement touché la France et placé cette dernière parmi les mauvais élèves du monde occidental. Les résultats sont accablants et ne peuvent être passés sous silence, absence de masques, absence de tests, absence de lits médicalisés, absence de réactivité à la fois pour prendre la mesure des choses, pour déclencher les mesures adéquates et pour mettre en œuvre les processus de réapprovisionnement, absence de plan réaliste de déconfinement, etc. Les responsables en charge du bien public et du pouvoir ont fait preuve d’amateurisme, de désinvolture, voire d’outrecuidance et d’incompétence. Cette carence désormais avérée est-elle pour autant le symptôme d’une insuffisance des structures de l’État ?  

Le chat est le seul animal domestique qui nous tolère sans nous manger dans la main. Et, bien plus qu’un animal sauvage d’observation malaisée ou périlleuse ou acrobatique, il nous enseigne que nous ne sommes pas les seuls hôtes des territoires que nous croyions avoir quadrillés pour notre seul profit. La propriété n’est qu’éphémère, disputable par une espèce plus prédatrice. Les territoires des différentes espèces se superposent quoique, d’un plan à l’autre, les contours soient différents. Le chat nous apprend à penser. Il nous tient parfois compagnie mais, la plupart du temps, nous ignore de sa souveraine indifférence. 

 

6mai_J+50

Confinés ou tétanisés ?  Que nous arrive-t-il ? Que nous est-il arrivé ? commencent à se dire quelques esprits que le confinement n’a pas totalement privé d’oxygène. Pas moins de vingt-six mille décès à ce jour, religieusement comptabilisés par un Pr Salomon fidèle au rendez-vous de 19h30 ! Vingt-six mille, cela n’est pas rien et nous nous garderons de toute espèce de désinvolture à leur encontre. D’autant plus que nombreux furent ceux qui décédèrent dans la solitude de leurs établissements hospitaliers, interdits de visite et de présence de leurs proches, nombreux furent ceux aussi auxquels un interne aura apposé à l’orteil l’étiquette LATA (limitation et arrêt des thérapeutiques actives) caractéristique des systèmes de santé dépassés. Que nous est-il arrivé ? Paralyse-t-on un pays, un continent entier, pour la grippe saisonnière, le tabagisme, le cancer de la peau… ? La sixième puissance du monde n’avait-elle pas tous les atouts pour prendre les meilleures décisions ? Cependant, empêchés par une centralisation excessive, les responsables locaux, départementaux… ne disposaient pas de marges de manœuvre pour adapter les mesures à leur contexte. Si le Haut-Rhin et l’Oise relevaient de mesures drastiques, fallait-il imposer celles-ci à tout le pays ? L’État, au sommet, décide. Les Agences Régionales de Santé, chevilles ouvrières, mettent en œuvre et les instances locales appliquent. Cela fonctionne par temps ordinaires mais quand les organes de presse, en théorie chargés d’une information pluridisciplinaire et factuelle, se focalisent sur la crise et constituent une sorte de cour d’instruction permanente, ce n’est plus la même chanson. Ce furent deux mois d’émotion pure et continue, tous les autres sujets relégués dans l’insignifiance. Les responsables politiques jusqu’au Président se voyaient cités à comparaître et sommés de rendre compte. La peur gagnait tous les étages. Empêcher la mort de saisir par le virus faisait oublier que la mort avait cent autres moyens de saisir et qu’elle s’employait à escalader les murailles dégarnies. Jamais de mémoire d’homme on n’aura vu le monde médiatique créer une telle distorsion autour d’un phénomène sanitaire. Une panique de cette nature était-elle pensable il y a cinquante ans ? Sous couvert d’information, les médias ont multiplié les propos inquiets des seuls experts du monde médical et les images d’ambulanciers qui se ruaient sur les Urgences, entretenu une sorte de psychose et mis en tension l’opinion publique. La belle affaire ! D’une crise de saison, ils ont fait la crise du siècle, mais tu les conséquences autrement désastreuses de la paralysie. Il faut avoir beaucoup d’aplomb et d’estomac pour garder la tête froide et résister à tant d’injonctions. L’équipe au pouvoir, très amatrice, n’avait ni l’un ni l’autre, sa communication était chaotique, et, tantôt désinvolte, tantôt affolée, elle a perdu un temps précieux et pris la décision la plus violente qui soit, celle du confinement ! Même pour la peste, on se contentait de mettre en quarantaine. Mais, last but not least, il est à craindre que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets lors du déconfinement. La centralisation du pays empêche d’agir ceux qui sont les mieux à même d’apprécier les situations locales et particulières. Et là où il faudrait audace et courage, voire prise de risque, les responsables songent avant tout à se couvrir des foudres de l’appareil juridique dont, décennie après décennie, ils n’ont cessé d’étoffer l’arsenal, sous la pression du reste d’une opinion publique à la fois prompte à monter aux barricades et avide d’état-providence. « Quand un peuple n’a plus de mœurs, il fait des lois », déplorait Tacite. L’État est partout, omniprésent, protéiforme, aussi malhabile qu’un géant englué dans les sables mouvants. Il confisque de surcroît presque tous les leviers. Et lorsque survient un événement contraire comme une pandémie, il ne manque pas de journalistes de l’information continue pour commenter la tétanie au spectacle de laquelle ils prennent part. (publié Boulevard Voltaire)

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