Migrants à Lesbos, l'Europe en accusation

Les DNA, parmi d’autres quotidiens, publient ce jour un long article : « 13000 migrants en errance à Lesbos ». La misère humaine, tapie entre les lignes et manifeste sur les photos, invite assurément à une vaste coopération internationale, mais les termes de l’article dressent à l’encontre de l’Europe un véritable réquisitoire d’incurie qu’une certaine paresse intellectuelle prendra au pied de la lettre mais dont un regard critique démontrera l’outrance. En premier lieu, qu’il y ait des migrants n’est en rien la conséquence d’une quelconque incurie européenne mais celle de défaillances, nombreuses, au sein des états d’où proviennent ces migrants. En second lieu, que les camps soient des lieux de détresse et qu’y surviennent des accidents est autant regrettable qu’incontestable, mais le peu de structures qui ont permis aux migrants d’y survivre, dans des conditions sanitaires certes insuffisantes, sont d’origine européenne, et les ONG qui se prétendent « livrées à elles-mêmes » oublient de mentionner qu’elles bénéficient de subventions européennes, souvent conséquentes, sans lesquelles elles ne pourraient agir. Que le verre soit à moitié vide ne dispense pas de saluer les efforts européens qui ont permis qu’il soit à moitié plein ! Par ailleurs, l’expression « on les a parqués… » relève d’une certaine mauvaise foi car nul ne les « parqués ». L’impression de relégation n’est due qu’à l’anarchie de leur installation et à leur dénuement, auxquels les autorités européennes, encore elles, vont tenter de remédier, indépendamment du sensationnel dont une certaine presse se régale. En troisième lieu, lorsqu’on fait l’effort de consulter une carte, on ne manque pas de remarquer que l’île de Lesbos est située à l’extrême orient des eaux territoriales grecques, … à quelques lieux de la Turquie d’où sont manifestement venus les migrants. Est-il dès lors honnête de honnir la soi-disant incurie européenne sans un mot pour l’attitude de l’état turc, plus prompt à faires des manœuvres maritimes qu’à s’émouvoir de la misère étalée sous ses yeux ? L’humanitaire et la philanthropie seraient-elles des vains mots au-delà du Bosphore ? Aussi, la tournure délibérément accusatrice et culpabilisante de l’article ne manque-t-elle pas d’interroger, mais peut-être l’opinion publique européenne a-t-elle été « accoutumée » à sa dose quotidienne de culpabilité et les journalistes, certains du moins, avec l’alibi d’une information qui n’est un scoop pour personne, font-ils profession d’entretenir celle-ci. L’Europe ne démérite nullement quoi qu’on en prétende et, si j’étais journaliste, je serais peut-être plus prompt à joindre mes efforts à ceux des ONG qu’à ramener des méga-octets d’images.