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site de Roland Goeller
25 septembre 2020

Voilée, à l'Assemblée Nationale

assemblée nationale

Une représentante de l’UNEF, syndicat minoritaire d’étudiants, est auditionnée par une commission de l’A.N. et génère une polémique en se présentant, voilée, vêtue d’un hijab vert aussi indéniablement caractéristique de l’Islam que la soutane l’est du Catholicisme. Plusieurs députés (LR) quittent l’audience en signe de protestation contre ce qu’ils décrivent comme « une atteinte aux valeurs fondamentales de la République et à la laïcité ». D’autres voix (C. Autain notamment) prennent la défense de la représentante en faisant remarquer que personne ne quitte l’hémicycle lorsque sont reçus des représentants bouddhistes et juifs, eux aussi reçus avec étole safran ou kippa. Il n’en faut pas plus en pays gaulois pour qu’aussitôt s’élève une cacophonie médiatique au sein de laquelle tous s’en donnent à cœur-joie et que se succèdent faux naïfs, vrais indignés et pharisiens expérimentés. A l’évidence, la question fâche. 

La représentante de l’UNEF contrevient-elle aux lois de la République ? Les principes et lois de laïcité sont à la fois une affirmation d’indépendance de l’État par rapport à la religion dominante jusqu’au XXème siècle (à savoir le catholicisme), mais aussi un postulat de séparation et de non-ingérence de l’État dans les questions de culte (quoiqu’il appartienne toujours au ministre de l’Intérieur de règlementer les manifestations des cultes). Chacun, donc, est libre d’embrasser ou non une religion et, si oui, d’embrasser celle de son choix, pour peu que cela ne trouble pas l’ordre public (cela suppose qu’une manifestation susceptible de « troubler l’ordre public » ne peut s’envisager sans autorisation préalablement sollicitée). La représentante de l’UNEF a-t-elle vraiment « troublé l’ordre public ? »

Elle a cependant manqué de discrétion, mais qu’est-ce que la discrétion ? La kippa sur la tête d’un rabbin est-elle discrète ? La minuscule croix autour des cous chrétiens est-elle discrète ? D’aucuns diront que non, tout comme d’aucuns (autres) affirmeront que la tenue de la représentante de l’UNEF était discrète. Ce vert un peu terne est, à l’évidence, plus discret que le rouge garance ou le jaune citron. C. Autain qui n’est ni sotte ni daltonienne n’a rien trouvé à redire à la discrétion de la « représentante » de l’UNEF, dont elle prend la défense pour des raisons qui ne nous sont pas encore claires. Du reste, elle se pose en rempart des minorités discriminées mais ne s’émeut en rien de la discrimination dont font l’objet les enfants juifs, pour ne parler que de ceux-là. Elle ne souffre peut-être pas de daltonisme mais de cécité sélective laquelle, comme chacun sait, n’est pas une maladie. Toujours est-il que la discrétion donne lieu à d’interminables arguties et qu’il n’est pas possible, à proprement parler, de trancher ni de fonder le moindre article de loi sur elle. Raison pour laquelle la gauche jospinienne en a fait un critère de jugement, laissant les uns et les autres seuls face à leur conscience et aux pressions qu’ils subissent. (« Démerdez-vous et que je n’en entende plus parler ! »)

Manque de discrétion ? Peut-être, mais le reproche ne peut lui en être formellement adressé. Est-elle critiquable alors de porter un vêtement « ostensiblement religieux » sans pour autant être un membre du clergé ? Car les juifs et bouddhistes auditionnés à l’A.N. étaient, eux, membres du clergé de leur religion. De même que les catholiques qui paraissent en soutanes ou habits monacaux sont des clergymen ou « réguliers », par opposition aux séculiers ou civils. Musulmane, la représentante de l’UNEF l’est jusqu’à la lettre. Elle ne fait pas de distinction entre séculiers et réguliers, entre espace laïc et lieux de culte, entre politique et religion Une femme musulmane est voilée parce que, selon elle, il en est ainsi, et c’est sa liberté de le penser (liberté respectable au nom de la laïcité, et de l’habeas corpus). C’est peut-être la raison pour laquelle les députés LR ont quitté la commission, ils s’insurgent contre le fait de penser que tout espace est placé dans un champ religieux et qu’il existe un continuum au sein duquel tout est culte. 

Mme Autain ne pense pas cela un seul instant. Du reste, elle ne veut agnostique, peut-être athée, et se garde d’apparaître sous un quelconque costume religieux. Elle est une « femme libre et émancipée », elle bénéficie pleinement des bienfaits de la parité (qui est, notamment, un héritage post-chrétien), mais son combat consiste, au nom de sa laïcité, à s’insurger contre tout paradigme chrétien et à prendre la défense de toute « minorité opprimée », quitte à fermer les yeux sur la revendication de continuum, que la représentante de l’UNEF considère comme cultuel et politique, mais dont Mme Autain ne veut voir que le caractère politique. Nous entrons là dans des considérations de bonne ou de mauvaise foi, lesquelles relèvent du procès d’intention et ne sont pas non plus opposables aux uns et aux autres. 

Provocatrice alors ? Sans doute la représentante l’est-elle en feignant d’ignorer, ou en bravant délibérément, le tollé que sa tenue ne manquera de soulever mais, là encore, il ne saurait être question de lui en adresser formellement le reproche. Et si les motifs de la provocation peuvent donner lieu à débat, ils ne sauraient tomber sous le coup de la moindre loi. 

Ainsi donc, sauf à légiférer ouvertement contre les signes religieux musulmans (ce qui, pour le coup, serait hautement discriminant), nous devrons donc nous accommoder de la présence, voilée, d’une représentante de l’UNEF à l’A.N. Nous sommes en revanche fondés à nous demander si, en arrière-plan de tout débat politique, il existe encore un sens commun, une common decency, au nom desquels il irait de soi de faire certaines choses et ne pas en faire certaines autres, au nom desquels tous les députés de la commission auraient dû sortir comme un seul homme, et si, au prétexte de prendre la défense de minorités pas si opprimées que cela, les prises de position de Mme Autain ne relèvent pas, en toute « bonne foi », de la pyromanie pure et simple et de la déconstruction de ce socle national sur lequel, pourtant, elle ne cesse de s’appuyer. 

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