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site de Roland Goeller
1 février 2023

Quatre rivières, de Alain Emery, note de lecture

emery 4 rivieres

Nous sommes en 1923, à Cayenne. La guerre est terminée, là-bas, en Europe. Les événements furieux ont déjà eu lieu, avec tant de fureur que les témoins, où qu’ils fuient, en restent durablement ébranlés. Alain Emery est d’un temps postérieur à cette guerre dont les échos, sans doute, lui seront parvenus par quelque témoin proche. Aussi ne cherche-t-il pas à en livrer le récit. Dans cette novella, de cette forme romanesque brève et dense, il met en scène un témoin, Alexandre Horsain, ancien chirurgien dans un hôpital de campagne proche du front, lequel s’entretient avec Maréchal, un autre rescapé, et, à bord du navire qui s’éloigne de Cayenne, tente de tenir le journal du drame qui est au cœur de l’intrigue. Alexandre avait bien tenté d’oublier, peut-on cependant reconstruire sa vie que traverse, à perpétuité, l’écho de cet ordre, « sauver ce qui peut l’être », quand, de retour de l’assaut, les ambulanciers ramenaient sur des brancards ce qui restait des assaillants ? A Cayenne, le jeune bûcheron blessé qu’on lui amène à recoudre « ressemblait trait pour trait à ce déserteur, au printemps 1917…, (qui) avait profité de la nuit pour tenter de fuir l’hôpital… ». Aussi, reçu chez le notable Barras dont il fait la connaissance du fils, gueule cassée qui lui en rappelle beaucoup d’autres, et de son épouse, à la fois sublime et admirable, le sang d’Alexandre ne fait-il qu’un tour face à l’ignominie d’un malotru. Et le coup de poing administré n’est sans doute qu’une réponse à cette bêtise tant de fois vue à l’œuvre, « … croisée dans les yeux soupçonneux d’officiers impeccables, une petite badine coincée sous le bras, cherchant de lit en lit – pour les passer par les armes – ceux qui, parmi nos éclopés, tiraient prétendument au flanc… », évocation qui n’est pas sans rappeler Les sentiers de la gloire de Cobb et Kubrick. Le drame se noue lorsque la fiole de médicament destinée au notable est utilisée pour le fils infirme et délivre la jeune femme d’une vie d’abnégation. Les phrases qu’Alexandre confie à son journal sont amples, portées par un souffle qui prend le temps de s’épancher tant il y a de choses à dire, de circonstances à préciser, de témoins dont la voix veut être entendue. J’avais salué la publication de Horn, aux Terres du Couchant, je m’en voudrais de ne pas saluer Quatre rivières !   

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