Soulac-sur-mer
Le Signal a disparu, jeté à terre par des godets féroces agissant sur décret, tous gravats ont été évacués depuis. À la place, il ne reste qu’un bout de lande semblable à une gencive tuméfiée. L’immeuble érigé imprudemment en front de mer menaçait de s’effondrer sous les assauts de l’océan qui grignote le trait de côte, preuve accablante et indiscutable du réchauffement climatique. Une longue digue de sable s’étire désormais, nouveau feston érigé face aux vagues. Elle s’interrompt à proximité de l’Amélie, là où les pins sylvestres sont retenus, tête en bas, par quelques racines obstinées. De proche en proche, de très jeunes enfants érigent des châteaux de sable sous l’œil attentif des adultes. Ils savent du monde seulement ce que leurs sens en éveil leur apprennent. Ils auront à comprendre pour quelles raisons les pins se retrouvent tête en bas. Des adolescents s’élancent à la suite de planches en amende qu’ils font glisser sur les vagues mourantes avec l’espoir de sauter dessus et s’y tenir. Ils essayent encore et encore, fiers des progrès accomplis. L’engeance humaine se partage entre ceux qui en ignorent assez pour vivre ici et maintenant et les autres, qui savent ou parfois seulement croient savoir. La plage est jonchée de semis de petits cailloux blancs semblables aux dents abandonnées par un banc de cétacés moribonds. La petite ville entretient ses soulacaises qui ont gardé l’esprit de l’impératrice Eugénie, lorsqu’elle venait prendre les eaux et oublier le Paris haussmannien, et les touristes à leur tour y cherchent l’illusion de jours paisibles. La basilique de La-fin-des-Terres se tient aux arrières, trapue tels les bunkers que la plage laisse s’enfoncer dans ses sables mouvants, inébranlée, riche de frises, corniches, chapiteaux, voûtes et colonnades dont ses bâtisseurs, soucieux autant de robustesse que d’élégance, auront songé à la pourvoir. Nul pèlerin ne vient plus s’abriter derrière ses murs.