« Guetteur », micro-nouvelle parue dans la revue Ampoule, hors-série n°3

La revue AMPOULE, hors-série numéro 3, édité par les éditions de l'Abat-jour, Bordeaux, publie la micro-nouvelle « Le Guetteur ». 

La nouvelle répond à une commande : un texte inspiré d'un dessin de Victor Soren. 

En voici en extrait : 

« Oh, quand soudain le glissement se manifeste ! Il s'opère dès après le zénith, quand les ombres s'allongent. La lucidité blesse et toujours les ombres gagnent. Elles se dissolvent, les bords perdent leur tranchant. Les photons s'émoussent, qui savent découper le vrai comme un laser une plaque de métal. La matière résiste, les photons ricochent sur elle, laissant des bavures de plus en plus manifestes. Puis, lentement, apparait une zone grise ou bistre ou poussiéreuse, pas vraiment une zone. On ne sait où elle commence ni où elle s'arrête. Elle tient de la vérité, elle aussi ne cesse d'hésiter, de se reprendre, se contredire... Les choses cependant ne nous attendent pas, elles glissent dans les angles morts, se faufilent, trompent notre vigilance. Et là, dans les étendues grises, il y a comme des singularités, des crevasses, des points de rebroussement, des concentrations, des formes, des yeux qui clignent et d'autres qui prennent en ligne de mire, des tentacules, des bras en mouvement, des rostres, des organes intercepteurs, tout un demi-monde qui fomente, s'agite en spasmes pulsatiles et parfois chuchote.
Cependant, impassible, en-deçà de toute incandescence, le Guetteur veille, ses deux cornes dressées tel un môle face à une houle qui rêve d'en découdre. Le ressac érode sa masse graniteuse ancrée dans les entrailles de la terre. Les cornes portent les stigmates de combats anciens. Mais à peine le Guetteur remue-t-il. A peine a-t-il reculé d'un pouce au cours des siècles. Les complots se brisent sur ses éperons, tels des béliers impuissants face au pont-levis relevé. »