L'alibi de la concurrence

Il y a des discours si souvent rabâchés que nous ne remarquons plus leurs incohérences, voire leurs énormités. Un peu comme la « vraie vie », laquelle, selon la pub, serait chez Auchan. Qui songerait à s’élever contre cela ? Qui, par ailleurs, songerait à s’élever contre le paradigme de la concurrence ?

Personne.

La concurrence est une réalité, une donnée d’entrée, dirions-nous en nov-langue-management. Sans doute est-elle aussi une chance, en ce qu’elle stimule. Doit-on en déduire que la concurrence induit la culture du changement permanent et de l’individualisation des résultats ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, d’aucuns le prétendent et c’est cette petite musique qu’on nous rabâche à longueur de journée, de discours, de com …

Mais que l’on se rassure, que notre confiance n’en soit pas ébranlée pour autant, ce sont des managers compétents qui sont aux commandes, des managers philanthropes et désintéressés, peu sensibles au stocks-options, des managers parfaitement au fait de l’organisation du travail, de la complexité croissante des tâches et de leur foisonnement, des managers qui ne fixent que des objectifs individuels atteignables, qui octroient toujours les moyens nécessaires, dans un processus de négociation équilibré, et qui ne disent que très exceptionnellement : démerdez-vous.

Aussi, que dans une entreprise (dont on cherche à préserver les parts de marchés par la saine culture du changement et la non moins enviable individualisation des objectifs) on se suicide avec une telle désinvolture relève d’un non-sens, d’une incompréhensible mode. Il faut être fou pour saboter une entreprise où le bonheur est si bien mis en kit. Décidément, quel mauvais goût !

« L’union de tous crée un bénéfice collectif supérieur à la somme des vertus de chaque individu » prétendait ce con d’Aristote, lequel n’avait rien compris.

Alors, la prochaine fois que vous entendrez des petites phrases comme « la concurrence implique l’individualisation des résultats », dégainez votre esprit critique, votre ironie, votre colère, dégainez quelque chose, bordel !