Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
site de Roland Goeller
28 février 2010

La pensée du nombre

 

Quelles représentations avaient, d’eux-mêmes et de leurs contemporains, les hommes qui vivaient avant la modernité, celle de la radio, de la télévision, de la vidéo et de la toile ?

Pour s’informer, se distraire et se cultiver, ils disposaient des livres, des journaux, des salons, des clubs, des musées. Ces lieux et ces médias fournissaient des informations et des éléments intelligibles, lesquels exigent de la concentration d’esprit. A l’inverse, les éléments dits sensibles étaient clairsemés, disponibles dans le seul périmètre physique. Un gentilhomme de la Cour s’imaginait que la seule société à prendre en considération était celle de la Cour, le peuple qu’il côtoyait lui était aussi indifférent que les sauvages d’Amérique. De même un fils de paysan pouvait passer toute sa vie à la terre et n’imaginer pas même que la ville et ses plaisirs pussent exister. Nul n’imaginait au-delà de ce qu’il voyait. D’une certaine façon, le monde était constitué d’une juxtaposition de petits microcosmes qui communiquaient très peu les uns avec les autres.

Les campagnes du reste n’ont produit que des jacqueries qui firent long feu, tandis que, pour fomenter une Révolution, il fallait le creuset urbain de Paris, en d’autres termes une densité suffisante pour que le spectacle des mœurs et de leur répétition puisse produire un effet démultiplicateur et amplificateur. Lorsque les hommes côtoient quotidiennement un grand nombre de leurs semblables, ils prennent conscience de leurs ressemblances et différences, spontanément, et il naît dans leur esprit quelque chose comme une conscience de groupe, cette même conscience qui surgit de Tweeter ou de Face book, par la mise en commun d’une foule de détails et d’anecdotes desquels se dégage une ligne de force.

La télévision et le net n’ont fait que généraliser ce processus et ce paradigme à la terre entière. Le « grand village planétaire » tient plus au fait que les images du tsunami aient été diffusées urbi et orbi, presqu’en temps réel, qu’à l’existence de l’OMC. Cependant n’allons pas croire que dans ce creuset étendu à la planète entière se fomente une nouvelle révolution. Pour qu’une révolution se produise il faut des éléments de tension et de contraste. Or c’est tout l’inverse à quoi nous assistons : le grand village planétaire est surtout un grand ventre mou et l’essentiel de l’information brassée tient de l’anecdote et du sensationnel. Pas de quoi ruminer, comme aurait dit Nietzsche.

Car les pensées fomentées par un grand nombre n’ont rien d’homogène. Pour qu’il y ait pensée, il faut qu’il y ait élévation et pas seulement mise en commun. Or la pensée du grand nombre ne se fait que sur le mode du PGCD (plus grand commun dénominateur), plus proche de la moyenne que des écarts-type.

Réflexion faite, la pensée du grand nombre n’est grande que dans la comptabilité. 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
site de Roland Goeller
Publicité
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 232 523
Archives
Publicité