Les chinois convoquent Confucius

Monsieur Liu Xiaobo, le récent lauréat du prix Nobel de la Paix, est sans doute le talentueux et opiniâtre militant de la paix et des droits de l’homme que sa nomination suédoise couronne, mais le fait qu’il soit chinois, c'est-à-dire citoyen (à moins qu’il ne convienne de dire　: sujet ?) d’un pays où la démocratie n’a pas précisément rang de vertu cardinale, n’est peut-être pas pour rien dans sa désignation au Nobel.

La valeur du combat de Liu Xiaobo n’est pas en cause. Mais peut-être la réaction, viscérale, des Chinois devrait-elle nous interroger. Que nous disent-ils en convoquant Confucius à une sorte de contre-tribunal du Nobel　? Que le combat de monsieur Liu Xiaobo, pour pacifique qu’il soit, n’en est peut-être pas aussi méritoire que le Nobel ose le prétendre. Que le genre de «　paix　» dont le Nobel entend se faire le chantre n’est peut-être pas aussi universel que nous le croyions. Que l’absolu en cette matière n’existe pas et que toute tentative d’absolu n’est que prétentieuse, ce qui soi dit en passant, ne manque pas de confucianisme　!

En invoquant Confucius les chinois n’entendent-ils pas mettre un terme à l’hégémonie d’un corps de valeurs dont le Nobel de la Paix serait un haut lieu. Et en mettant fin à cette hégémonie, ne sont-ils pas en train de montrer la vanité d’une institution et d’une philosophie qui se prétendent universelles. La France a plus à perdre qu’elle ne croît à cette contre-attaque confucéenne. Et, à bien prendre les choses, il eut mieux valu négocier plutôt que de perdre la face, car que vaut encore un Nobel qu’une bonne moitié de l’humanité ne reconnaît plus.

Les Chinois ne sont pas des idéologues (la lecture de Confucius aurait du nous l’apprendre) mais des stratèges et notre propension à donner des leçons à la terre entière aura eu deux effets néfastes　: décrédibiliser nos institutions et mettre monsieur Liu Xiaobo en posture délicate, ce dont il se serait peut-être bien passé.

Cela dit, que la paix revienne autour de Monsieur Liu Xiaobo!