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site de Roland Goeller
30 novembre 2019

Papeterie ou Papiermühle

 

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L’inscription est désormais difficile à lire, et pas seulement parce que le buvard du temps en a absorbé l’encre. Seuls savent ce qui était écrit ceux qui ont de la mémoire, et dans quelle langue à quelle époque. Tantôt Papeterie, tantôt Papiermühle. Sous mes pieds court désormais un ruban d’asphalte au tracé parfaitement dressé, lignes droites sans hésitations, rayons de courbure généreux, sans rupture. Assez large pour permettre le croisement de deux cyclistes lancés à vive allure, toujours à faire résonner leurs timbres dans la proximité des piétons à qui ils disputent l'exclusivité de la piste. L’asphalte recouvre le tracé d’une ancienne voie ferrée, posée entre Molsheim et Saverne. Celle-ci desservait des bourgades aux noms redoutables, que pourtant nous autres énonçons comme une exclamation joyeuse : Scharrarbergheim, Romanswiller, Otterswiller. Les trains partaient de Molsheim que d’aucuns nomment Molse, et arrivaient à Saverne, ville du Piémont qui, à certaines époques, s’appelait Zabern. Les trains ! Des omnibus qui convoyaient des citadins et les déposaient à Romanswiller, prisée par sa source Alsatia, d’où ils se rendaient vers les hauteurs boisées de Wangenbourg, la Petite Suisse des Vosges, la bien nommée. D’autres trains, de marchandises, desservaient la petite gare de la Papeterie ou de la Papiermühle, bâtisse de briques rouges construite sur le modèle en vigueur. C’était à la fin du XIXème siècle, lorsque les familles Amos, Pasquay et Trumpf avaient fondé plusieurs petits établissements industriels et industrieux, une papeterie, une briqueterie, un moulin à billes. Des centaines d’ouvriers accouraient chaque jour, à pied, à vélo, en omnibus dont les horaires correspondaient aux heures d’ouverture et de fermeture. Il faut s’imaginer les conversations, les palabres, le grondement des machines, le vacarme des wagons, tout une vie tenant à distance le gibier qui se terrait dans les bois surplombants et qui ne hasardait les museaux qu’à la tombée du jour. Tout a fermé au détour des années soixante, tout, industries, gare et voie ferrée, tandis que, de l’autre du Rhin, im Schwarzwald, les petites usines de même taille sont devenues des PME florissantes et que les économistes formés à Paris s’échinent à trouver des explications à la désertification rurale. Le bourg de Wasselonne connut quelques décennies de prospérité, nommé tantôt Wasselonne, tantôt Wasselnheim. Ici, les lieux ont deux noms. Strasbourg en a même trois, Argentoratum, Strasbourg et Strassburg que d’aucuns prononcent Strossburi. Les lieux ont deux noms et les mémoires se compartimentent en plusieurs strates de densités inégales, mouvantes, agitées de soubresauts. Il faut savoir lire dans ces mémoires mais, souvent, les surfaces en sont effacées, illisibles, voire travesties. Il importe de continuer à les ausculter, sans quoi le patrimoine tombera dans l'oubli. Papeterie ou Papiermühle ? Pourquoi deux noms ?   

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