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site de Roland Goeller
16 février 2010

Contrôleuse de train (première partie)

Une nouvelle nouvelle, écrite il y a quelques années. J'avais cherché à "endosser" la frousse d'une femme placée dans une situation à risques, face au cynisme de l'institution ...

 

 

 

 

 

 

Octobre, six heures et demi le matin. Les quais de la gare St-Jean sont glacés par le souffle d’un vent du nord est. Il n’y a pas grand monde dans le train d’Arcachon. En face, le TGV fait le plein. Les cadres montent en tête, en première classe, avec leurs valises à trolleys, leurs téléphones en prothèse et leurs airs importants. En queue, il y a encore quelques couples qui jouent les adieux déchirants, un qui reste, l’autre qui s’en va. Au coup de sifflet, les bras se scindent et chacun regagne sa place.

 

Dans le train d’Arcachon, il y a peut-être une vingtaine de personnes. Pas la même dégaine. Le train non plus, une des caisses est recouverte d’un tag qui déborde sur les vitres. Les tags reviennent régulièrement, comme les mouettes le long du rivage. Les tags, c’est la banlieue qui se rappelle au bon souvenir de la ville. Le TGV s’ébranle. Son train à elle décolle dans trois minutes. Elle monte sur la plateforme, introduit la clé dans la serrure, pour maintenir la porte ouverte. Désormais, elle est aux ordres du chef de service, un type sympa qui est venu jusqu’à elle sur le quai, histoire de bavarder deux minutes. Ils ne font pas tous ça. Le chef de service consulte sa montre de façon compulsive. Il n’y a plus personne sur le quai. Si ! Trois types qui courent en direction du train, ils ont un chien, le genre de types à faire des histoires. Elle espère que ce ne sera pas pour elle. Mais les types ont le temps de monter. Le chef de service siffle et agite la palette témoin. Les types n’ont pas de billet pour le chien, elle en est certain, et sans doute pas pour eux-mêmes non plus. Malgré elle, elle pense à l’affaire de Cahors, elle avait juré de ne pas y penser mais, réflexe de Pavlov, les conversations de couloir lui reviennent à l’esprit. La contrôleuse avait été violée par deux types peu avant que le train n’arrive à Cahors. Mais Cahors, ce n’est pas l’Aquitaine. Arcachon est une ligne fréquentée. En Aquitaine ce genre de choses ne se produit pas.

 

 

A cinq heures du matin, le réveil avait sonné. Ses doigts avaient cherché dans le noir, parce que le réveil avait été changé de place.

 

-Eteins ça, bon sang, avait hurlé François.

 

Il s’était couché à une plombe du mat, son service finissait à minuit quinze. Puis, le temps de partir, de faire les quinze kilomètres, de prendre une douche, il était une heure passée. Elle dormait déjà. Elle était couchée depuis minuit et n’a pas entendu François rentrer. Elle se lève à cinq. Le premier train est à six et demi. Un aller-retour Arcachon. Normalement pas de problèmes. Peinard. Normalement.

 

Elle est sortie du lit. La chambre était fraîche. Elle avait réglé le réveil à sept heures et quart pour François. Il se sera levé pour emmener Julie à l’école. Après il se sera recouché. Il dit qu’il se rendort mais elle n’en croît rien. Difficile de se rendormir une fois réveillé, elle en sait quelque chose. Ce matin il n’y a pas eu de pluie, François aura pris le vélo pour emmener la petite. L’école est à deux kilomètres, ils n’avaient pas pensé à ce genre de détails quand ils ont acheté le pavillon. Ou plutôt, ils s’étaient dits qu’il leur faudrait deux bagnoles. Mais l’une d’elles est morte et celle qui reste est réservée pour se rendre à Bordeaux St-Jean. Le tram ne vient pas jusqu’ici, alors, les jours de pluie, c’est la galère.

 

Dans la douche, l’eau chaude avait ruisselé le long de ses reins, réveillé son corps. Avait réveillé le manque aussi, une envie de baiser restée en creux, mais François était rentré à une heure et elle, dormait déjà. Et lorsqu’à son tour elle rentre en pleine nuit, elle trouve François endormi comme une souche, parfois devant la télé allumée. Les semaines de matinée, il se lève à trois heures. Il leur reste à patienter quinze jours encore, après leurs week-ends coïncideront, ils prendront un peu de bon temps. S’il n’y a pas autre chose d’ici là. Sylvie dit qu’il vaut mieux être célibataire et le rester. Les horaires décalés, quand on est célibataire, ce n’est plus une contrainte, plutôt une opportunité. Le temps libre avec la ertété, c’est tout benef.

 

Quand elle rentrera dans l’après-midi, François sera déjà parti. Parfois, il laisse un post-it. pour lui dire comment ça s’est passé au boulot, avec la petite. Lui demander de ne pas oublier de faire ceci ou cela. Parfois il dessine une petite fleur dessus. Elle range alors le post-it dans son coffre aux trésors, une petite boîte en fer-blanc cachée entre deux piles de linge. La journée commence avec un aller-retour Arcachon, puis un aller retour Poitiers. Elle rentrera vers seize heures. L’école garde la petite jusqu’à dix sept heures trente et s’il y a un problème, elle passera un coup de fil à Madame Sanchez qui la prendra en passant.

 

Manque de chance, elle est seule ce matin, sur le train d’Arcachon. Son coéquipier ou sa coéquipière n’est pas venu. D’autres à sa place auraient planté le train. Mais on ne peut pas planter un train pour un oui ou un non. Peut-être aurait-elle dû ?

 

 

suite au prochain épisode :

http://acontrecourant2.canalblog.com/archives/2010/02/20/16982761.html

 

*

 

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Commentaires
M
....la suite <br /> vite vite vite !!!<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> c'est quand déjà la publication d'un bouquin de "nouvelles" ?
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