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site de Roland Goeller
15 avril 2020

Au jour le jour, J+26 à J+28

grunewald résurrection

12avril_ J+26

Jour de Pasques, fête de la résurrection du Christ, allégorie de la renaissance laquelle est impossible sans être au préalable mort à soi-même. Cependant, quelle renaissance ? 

13832 décès comptabilisés hier soir par le Dir Gén de la Santé Publique. La courbe présente un palier depuis une quinzaine de jours. L’importance du palier préjuge de la durée de la décroissance, nous en avons pour des semaines et des semaines encore. Et seule une fraction mineure de la population a été contaminée, moins de 10% dit-on. Nous sommes loin de la fameuse immunité collective. Il convient aussi de réviser à la hausse ma première fourchette de 13000<..<16000 décès. De combien ? 

Le grand nombre conduit-il à l’uniformité ? L’épanouissement des individus suppose que la société leur laisse d’importantes marges de manœuvre et de liberté, afin que leurs entreprises puissent prospérer dans un compromis de respect des lois et d’initiatives personnelles (Tocqueville disait : « que l’État crée les conditions du commerce et de l’industrie et se retire.») La main heureuse agit d’autant mieux que les contraintes sont légères. Et les contraintes restent légères aussi longtemps que le nombre reste raisonnable, les fausses manœuvres et inconvénients résultant d’initiatives mal pensées par les uns ne nuisent que modérément aux autres. En revanche, lorsque le nombre augmente, il semblerait nécessaire de limiter, à mesure, les conséquences malheureuses et mettre les initiatives sous contrôle, les soumettre à des normes et en imposer le respect. Ainsi, pour un territoire donné, semble-il exister deux nombres significatifs de densité de population. Le premier, bas, correspond à un optimum d’équilibre entre les marges de liberté et le système de normes auquel la population est soumise. Le second, haut, correspond au seuil de tolérance au-delà duquel les contraintes progressives du système de normes deviennent insupportables, et se produisent des événements chaotiques, conflictuels ou pandémiques. Malthus aurait-il eu raison ?  

Une famille qui, pour savourer un poulet rôti à son midi, doit avoir, dans l’ordre chronologique inversé, plumé, éviscéré, tué, attrapé, élevé et gardienné ce poulet et, auparavant, récolté du grain, semé des céréales, labouré un champ, construit une grange, fabriqué des outils… une telle famille se fait une autre idée du sacré et du sacrilège qu’une famille qui, au contraire, se contente de présenter sa carte de paiement sans contact pour l’achat d’un poulet élevé en batterie… Mais, pour nourrir les innombrables familles qui désormais peuplent la planète, peut-être faut-il élever les poulets en batteries, n’en déplaise aux écologistes qui prétendent qu’il est possible de nourrir 8 milliards d’habitants de la même façon que 8 millions ! Notre planète serait-elle trop peuplée ? La question est, je le sais, sacrilège mais les événements ont la fâcheuse habitude de nous questionner sur nos impensés. Et, le cas échéant, où le point d’équilibre se situe-t-il ? Notre équation humaine, collective, est complexe et, peut-être, insoluble avec une méthode mathématique, tant il est impossible de modéliser tous les paramètres. Il nous faut donc suivre notre seule intuition, laquelle est plus perspicace dans l’humilité et la paix de l’âme que dans le tumulte des vanités. 

Le discours, l'homélie, l'exhortation... du pape François en ce dimanche de Pâques, en la basilique Sainte-Marie des Anges et des Martyrs, vide comme un purgatoire aux portes closes, est empreint d'une solennelle gravité de circonstances, même si certaines exhortations tiennent du vœu pieux. Son message cependant s'adresse à chaque homme, quelle que soit sa confession. A aucun moment, il n'a fait de différences entre les Chrétiens et les autres, et il faut lui rendre grâce pour cela.

Dans cette période post-confinement à venir, il faut absolument empêcher les grands rassemblements festifs dont l’Occident se régale depuis qu’il s’adonne sans retenue au « paganisme » (les matchs de foot, les fêtes de la musique ou du vin, etc…) Il faut en revanche retrouver l’esprit des petites manifestations locales que nulle télévision ne viendra perturber de sa supervision normative. Et je suis très favorable au maintien du Tour de France, qui est une manifestation festive locale en mouvement, à condition d’empêcher les grands rassemblements au départ et à l’arrivée. Les aficionados pourront se répartir le long du parcours tout en respectant la distanciation sociale. De même les journalistes en mal de verbe pourront survoler le circuit et commenter à satiété des images qui n’auront pas beaucoup changé par rapport à l’année précédente (il faut bien leur laisser quelques os à ronger !)

illustration: Matthias Grünewald, le Rétable d'Issenheim, Résurection, Musée Unterlinden, Colmar

 

13avril_J+27

Oh le silence assourdissant du petit matin ! Il n’y a pas si longtemps, la ville à son réveil bruissait de mille rumeurs automobiles, employés qui rejoignaient leurs lieux de travail, parents qui emmenaient leurs enfants à l’école, banlieusards qui formaient une impatiente procession le long de la route de Toulouse, trente-huit tonnes par escouades entières qui charriaient les matières premières et les produits manufacturés entre la péninsule ibérique et le nord de l’Europe, tous ces efforts mécaniques en lesquels se manifestaient la volonté de faire tourner le monde s’additionnaient en un puissant murmure semblable à celui d’une tempête à la fois énervante et rassurante. Désormais le silence tient en respect toutes choses, il préjuge de la violence de la tempête qui bientôt se lèvera à nouveau. 

Les personnes âgées confinées jusqu’à la fin de l’année ? Telle est la rumeur qui se répand après les propos sibyllins des plus hautes instances européennes lesquelles préconisent que, « sans vaccin, il fait limiter autant que possible leur exposition ». Et ceux-là même qui tiennent de tels propos ne sont pas même conscients de leur tartufferie ! Les personnes âgées mourront d’isolement, d’abandon, de confinement, de mise au banc, mais les technocrates de tous poils seront indemnes de l’accusation de non-assistance à personnes en danger de coronavirus ! Au moins, quand les bombes pleuvaient, avaient-elles le choix des abris où se réfugier ! 

« L’urgence produit toujours, on le voit dans toutes les catastrophes, des comportements d’entraide. Et aussi des comportements de prédation, beaucoup moins nombreux mais beaucoup plus visibles. Que va produire la peur, éprouvée pour la première fois dans l’histoire, par l’ensemble de l’humanité au même moment ? Un sentiment de commune appartenance ? La lutte de tous contre tous ? La réhabilitation de la coopération comme mode d’existence collective, ou la poursuite de la compétition généralisée, gage de notre destruction annoncée ? » Ainsi s’exprime Rony Brauman, ancien Pdt de MSF, en conclusion d’une interview accordée ce jour à Marianne. Telle est bien la question, évoquée de façon sibylline. Si vis pacem, para bellum, recommandait le stoïcisme romain. Hélas, depuis 1945, les occidentaux, notamment français, n’ont cessé de clamer Paris est une fête, et prêter oreille aux gourous du pacifisme dont ils regardaient les pantomimes en enfants émerveillés. Cette guerre que nous n’avons pas préparée, occupés que nous fûmes à disserter sur toutes sortes de fadaises, tels Byzantins en 1453, nous aurons peut-être à la livrer dans notre naïf dénuement ! 

Ah l'économie, l'économie, l'économie! La benoîte satisfaction des progressistes lorsqu'ils ont donné quelques coups de marteau indignés sur ce clou ! Comme si l'économie seule avait un sens ! Comme si l'économie n'était pas le versant comptable de la vision selon laquelle on se propose d'administrer le bien public ! Mais taper sur l'économie procure la satisfaction de désigner à la vindicte un bouc émissaire et dispense de balayer devant sa porte... 

 

14avril_J+28

Le Pdt de la République maintient le confinement jusqu’au 11 mai, sauf pour les personnes âgées. Le port du masque sera probablement obligatoire dans l’espace public à ce moment-là… parce que c’est l’engagement de livraison des fournisseurs. Si nous avions des masques aujourd’hui, nous pourrions déconfiner demain. Aucune annonce en revanche (ni même de commentaire) sur l’Euro, sur la cohésion européenne, sur la tension probable que connaitront les économies faibles (Esp, It, Fr), comme s’il la reprise économique ne dépendait que de critères endogènes. Quelles conséquences de la baisse probable du PIB de 8 à 10% ? Quelles conséquences du creusement du déficit public à 7 à 9% du PIB ? État des discussions avec les partenaires européens ? Tous ces points ont été passés sous silence. Que faut-il en penser ?  

Un désastre nous attend mais il a été passé sous silence par celui-là même de qui était attendu une parole de vérité. Pour s’en faire estimation : le PIB reculera cette année de 8 à 10% et ne remontera que difficilement les années suivantes. Cela a des conséquences dramatiques sur les destructions d’emploi, surtout dans le secteur tertiaire, sur les prélèvements fiscaux, sur les renoncements… sans parler des troubles civils prévisibles. Chaque semaine de confinement supplémentaire coûtera quelque chose comme 1% du PIB, c’est dire si nous nous étions préparés…, si nous avions eu des masques, des tests. L’homme qui nous a parlé hier soir avec des trémolos dans la voix était ministre sous François Hollande, il est président de ce pays depuis trois ans. Et il s’est adressé à ses concitoyens comme s’ils allaient sortir du confinement dans l’insouciance, tels qui promeneurs qui quittent un abri après l’averse, comme si la plus grande épreuve était les quatre semaines à venir, alors que la plus grande épreuve commencera le 11 mai. De surcoît la pandémie sera loin d’être circonscrite puisque moins de 10% de la population a été contaminée (nous sommes très loin de l’immunité de groupe) et l’horizon d’un vaccin est très incertain. 

Une projection dans le secteur du tourisme, lequel représente quelque 7% du PIB. Disons 7. Cela fait 7% de 2000 milliards, soit 140 milliards. La pandémie affectera, notamment, le secteur du tourisme en raison, notamment, du maintien d’un confinement partiel, de mesures d’étanchéité aux frontières, etc… Supposons que les Français empêchés de tourisme à l’étranger se rabattent sur les lieux touristiques français et que le déconfinement ait atteint son niveau d’équilibre, on peut alors estimer que l’activité touristique française se verra réduite de 40 à 60%, ce qui fait une chute de 3 à 4% du PIB en année pleine. Sans parler des destructions d’emplois correspondantes. Supposons ! Mais je renoncerais volontiers à mes projections pessimistes si quelqu’un m’en objectait de plus optimistes, mieux fondées. 

 

 

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