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site de Roland Goeller
29 juin 2015

UBER et Taxis, envers et contre tout

 

Guerre-des-taxis-le-jour-d-apres

L'ancien régime consistait en une société de classes, de corporations et de privilèges, ces derniers ayant pour fonction, notamment, de limiter le pouvoir royal. Villes, nobles ou corporations payaient cher des privilèges leur permettant l'exercice exclusif d'un droit ou d'une charge d'où ils tiraient des revenus fiscaux. Le passage d'un pont, d'un gué, le séjour dans une ville ou encore l'usage du moulin faisaient l'objet de privilèges. L'Assemblée constituante a supprimé les privilèges dans la nuit du 4 aout 1789, pour soi-disant combattre l'inégalité que leur détention générait. Tocqueville et d'autres nous ont montré depuis que sous cet argument de façade s'en cache un autre: le maintien du privilège, dans bien des cas, freine le développement économique.

Malgré la nuit du 4 aout, il subsiste en France et dans les grandes démocraties - et c'est heureux - des privilèges, même si la pudeur républicaine en a changé le nom pour leur substituer les patentes, les franchises, les licences ... Ainsi l'enregistrement des actes civils et la cadastration du patrimoine relèvent-ils des notaires, ordre d'experts juridiques dont l'accès est régi par un diplôme et l'exercice par la propriété d'une étude: le citoyen en retire le bénéfice d'actes en général inattaquables et formellement posés. Le risque d'approximation limite considérablement les vélléités de contournement de l'ordre des notaires, même si le ministre E  Macron en a envisagé l'éventualité dans son récent projet de loi.

Hélas, le concept de valeur ajoutée ne fonctionne pas de la même façon en matière d'actes notariés et en matière d'opérations de transport. Dans le premier cas, il s'agit d'actes administratifs, dans le second, de prestations. Si la production d'actes administratifs ne peut pas véritablement être mise en difficulté, la production des prestations se fait en revanche toujours dans un contexte hautement volatile d'équilibre entre offre et demande. Le maintien de privilèges (ou de licences) pour des activités à valeur ajoutée sur un marché en perpétuelle évolution peut dès lors s'avérer hautement contreproductif.

Sans doute faut-il chercher là l'explication de la crise actuelle née de la venue d'un outsider (UBERPOP) sur le marché des déplacements privés individuels, monopole à ce jour des taxis. Dans le conflit qui oppose les uns et les autres, comment trancher? Les chauffeurs de taxis prétendent qu'un nouvel entrant (lequel ne paye ni licence ni charges sociales) constitue un cas de concurrence déloyale et abusive. UBERPOP quant à lui prétend ne pas faire de concurrence en ce qu'il répond(rait) à la partie du marché à laquelle l'insuffisance du nombre de taxis ne permet pas de répondre. Ironie de l'histoire, il se trouve que les deux ont peut-être raison!

Il n'y a pas assez de taxis en France, cela est vrai! Mais ce sont les chauffeurs de taxi eux-mêmes qui s'opposent à l'ouverture du clausus numerus et l'argument qu'ils avancent est lui aussi recevable: à tarification égale (donc à gâteau de taille égale) le revenu de chaque chauffeur évoluerait en proportion inverse du nombre de chauffeurs. D'autre part, le coût des licences et le niveau élevé des charges professionnelles rendent élevé le prix des courses de taxi, trop aux dires des usagers. Aussi UBERPOP ne prend-il véritablement aux taxis qu'une très faible part de marché: sans UBER le clients auraient majoritairement fait usage des transports en commun. Et nous ne voyons toujours pas comment trancher, quoique ...

Quoique, le fait de confier les transports individuels de personnes à une corporation à droit d'accès élevé apparaisse comme "anachronique" dans un état qui par ailleurs se veut libéral et permet l'arrivée de nouveaux entrants! L'arrivée d'UBER n'est en rien contradictoire avec le choix politique de l'ouverture et de la dérégulation des marchés. Cependant, pour que les conditions de concurrence ne soient pas déloyables, il conviendrait que les taxis bénéficient des mêmes conditions qu'UBER, en d'autres termes, qu'on leur rembourse leurs licences et réduise leurs charges professionnelles!

Cela reviendrait à restituer aux taxis une manne financière depuis longtemps engloutie dans les déficits publics. Cela reviendrait à augmenter ce déficit, option interdite à la France en raison de ses engagements européens. Nous approchons dès lors de la quadrature du cercle! La suppression des privilèges dans la nuit du 4 aout (1789) s'est faite au prix d'une gigantesque spoliation que les révolutionnaires ont légitimée en prétendant que les nobles jouissaient indument de situations qui relevaient du bien public. Mais dans l'affaire Taxis-UBER, nous ne sommes plus en 1789 et, à notre connaissance, il n'est pas question de spolier les taxis. Nous sommes en revanche dans un marché ouvert où de nouveaux entrants fournissent un surcroît d'offre à des usagers en situation de demande, et il importe que l'état français tire une bonne fois pour toutes les conséquences de son acquiescement à l'ouverture des marchés: celle-ci n'est pas compatible avec le maintien d'une technostructure (administration) pléthorique dont le financement conduit à maintenir des anachronismes tels les licences de taxis et les taxes élevées sur le travail. Une piste consiterait dès lors à faire des économies budgétaires à hauteur du coût de remboursement des licences.

 

 

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