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site de Roland Goeller
11 décembre 2023

Apparence et réalité, fascisme et liberté

chirico

Apparence et réalité, fascisme et liberté. Le réel est sans doute le concept le plus difficile à définir. A priori nombreux sommes-nous à prétendre que le réel, c’est ce qu’on voit, entend ou sent ! Prétendre que le réel consiste en la somme des perceptions de nos sens. Lorsque devant nous se tient un chat, nous ne doutons pas de la réalité de ce chat dont nous rapprochons l’apparence de toutes celles de chats enregistrées dans notre mémoire et nous affirmons : ceci est un chat. Le fait que nous aurions pu remplacer le mot chat par l’allemand Katze ou l’anglais cat ne change rien à l’affaire. Mais ce chat, d’où vient-il, que veut-il ? Est-il perdu ? S’il nous appartient et que nous sommes avec un ami qui ignore ce fait, cet ami ne voit pas non plus que le chat revient tout bonnement vers son maître. Ainsi le réel ne se limite pas aux seules perceptions, il se compose de ce qu’on voit et d’autres choses qui ne se voient pas forcément. Dans le cas d’un chat qui devant nous vient se planter, il n’est pas très important de savoir d’où il vient, ce qu’il veut, à qui il appartient. Ce sont là des lambeaux de réel qui tôt ou tard apparaissent. Apparaître ! Le réel contiendrait-il des données qui n’apparaissent pas au premier regard ? Avant de se donner, le réel apparait et ses apparitions ne sont pas équivalentes. Lorsque nous sommes de sortie en un lieu mondain, nous nous efforçons d’apparaître sous notre meilleur jour. Nous ne nous donnons pas alors pour ce que nous sommes, nous voulons apparaître tels que nous voudrions que les autres nous voient. Cette apparence fait encore partie du réel mais elle ne l’épuise pas. Et il en va de ce que nous voyons au même titre que ce que les autres voient de nous. Parfois, parvenus sur un promontoire, nous regardons le paysage mais, les uns et les autres, nous ne voyons pas la même chose. Untel voit au loin une maison que nous reste cachée. Il nous faut alors nous décaler, faire un pas de côté comme disent les maîtres à penser. Il s’agit pourtant d’une seule réalité dont nous ne voyons que des apparences, différentes selon la perspective. Perspective ! Nous comprenons bien que les apparences changent selon les perspectives, les points de vue. Tous les points de vue ne se valent pas, certains nous permettent de voir des éléments que d’autres nous cachent. Ce que le regard embrasse depuis un sommet est plus vaste que ce qu’il embrasse depuis le fond de la vallée, tous les alpinistes savent cela. Le peintre, lui, ne cherche pas forcément à embrasser le plus de choses possibles, mais à se tenir en un lieu où il peut en embrasser un certain nombre dans une harmonie de composition, d’éclairage, de sens, etc. Il en va des considérations historiques comme des paysages et des tableaux, il faut ne pas s’en tenir à ce qui nous tombe sous les yeux, ou bien, ce qu’on accommode pour nos yeux. Accommoder ! D’aucuns s’emploieraient donc à ce que nous ne voyions pas ce qu’en temps ordinaires nous verrions, voire que nous voyions des éléments qu’en temps ordinaires nous ne verrions pas quelle que soit la perspective ! Que nous voyions autre chose que ce qu’il y aurait lieu de voir. Il y a ainsi des tours de passe-passe subtils qui agissent sur nous comme de la poudre aux yeux, d’autres, plus grossiers, nous apparaissent en revanche comme un nez au milieu de la figure. On emploie les expédients qu’on peut, les faussaires ne sont pas tous talentueux. Ayant découvert l’imposture, nous nous insurgeons et attirons l’attention des distraits sur ce que nous avons identifié comme telle. Le réel qui apparait sur les écrans est dépourvu de perspective, au sens propre et au sens figuré. Il nous est impossible de faire un pas de côté. Celui qui nous fournit cette apparence du réel a choisi son point de vue et, en général, évite de nous donner les clés de lecture pour l’évaluer, identifier ce qu’il peut avoir de réduction ou d’imposture. Ceux qui détiennent et fournissent les apparences du réel, que nos yeux ne voient pas directement, peuvent avoir intérêt à ce que nous en voyions une certaine apparence bien précise et pas une autre, ou pas celle qui serait plus complète, exhaustive, etc. Un état où chaque citoyen peut, des événements, changer de perspective de lecture et d’interprétation, parce qu’il a un doute sur celle qui lui est proposée, un tel état fonctionne sous le régime de la liberté. A contrario, la restriction des perspectives de lecture, ou l’obligation de lecture univoque, relève du fascisme. Soljenitsyne disait que, pendant soixante dix ans, l’occident ignorait ce qui se passait derrière le Rideau de fer, pour la simple raison que le régime s’auto-racontait. Comprenne qui pourra !

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