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site de Roland Goeller
8 janvier 2021

Pulvis es et in pulverem reverteris

20201010_114148

Hier, la petite âme simple et sans malice de mon chat s’est détachée de son enveloppe terrestre, dans un cabinet vétérinaire où son état de santé m’a conduit à l’emmener. Je m’en suis consolé en songeant au rituel bouddhiste des mandalas. Régulièrement, un groupe de moines se livre à cet exercice, ludique, opaque pour un esprit cartésien, et pourtant d’une limpide évidence. Le processus de construction du mandala l’emporte sur son résultat final pour une raison très simple qui m’est apparue ce matin, tandis que mon chat glissait dans la sédation chimique. La Création, telle que l’entendent les religions, est si prodigieuse que le prodige dépasse l’entendement, il reste au-delà de la capacité de représentation et d’émerveillement. A l’aide de quantités de sable de toutes les couleurs, le groupe de moines réalise une figure géométrique, chargée de symétries et de symboles, avec la patience d’enfants jouant dans un bac de sable. Il le fait comme un rituel en hommage à la Création. L’exercice est si complexe qu’il est impossible à l’esprit d’être attentif à la fois à l’ensemble et aux détails. Les moines prennent le temps qu’il faudra et l’achèvement du mandala intervient lorsque le groupe estime qu’un certain degré de perfection est atteint. L’art du mandala s’est développé en des contrées où la représentation symbolique et géométrique l’emportait sur la représentation figurative, mais je suppose que l’exercice vaudrait aussi avec un tableau de la Chapelle Sixtine, l’important étant le processus de construction. A l’image du monde que nous connaissons ! Celui-ci fut réalisé en six jours et le résultat apparut au matin du septième. Combien de temps persista-t-il ? Le temps que se lève un ouragan ou un déluge qui tout emporte. Le mandala achevé, les moines le contemplent pendant quelques instants puis, de quelques prestes coups de balais, le réduisent au néant et à l’indifférence. Pulvis es et in pulverem reverteris ! Pas de regrets. La propriété de la vie est d’être périssable. Les formes passent, le sable reste, la substance de Dieu est éternelle, disponible pour une autre création, un autre mandala. Ainsi ai-je songé face au cadavre de mon chat, les formes ont été balayées, l’âme – ce grain de sable – rejoint les autres grains de sable dans l’attente d’une autre forme. J’aurais pu tout aussi bien me dire que mon esprit est embrumé par l’opium des peuples, que les processus physiologiques de mon chat se sont arrêtés et que désormais il n’y a rien, mais qu’un jour ou l’autre, grâce aux progrès de la science, ce rien sera expurgé de ses secrets. J’ai du reste appris à penser de cette manière, mais au final je trouve plus simple de penser qu’il se joue une partie qui nous dépasse et dont nous ne sommes que les insignifiants spectateurs. Le chagrin n’en est pas moins vif, mais il ne se paye pas d’illusion. 

 

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