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site de Roland Goeller
18 octobre 2022

L'affaire Nobel-Ernaux

Annie ernaux vogue

L’Académie Nobel, en cette année 2022, décerne le prix de littérature à Annie Ernaux, femme de lettres française non dénuée de talents, normalienne et agrégée, pour laquelle, disons-le sans détours, je n’ai qu’une tiède sympathie. Il m’appartient dès lors de justifier cette tiédeur, laquelle ne m’a jamais conduit à la moindre action d’ostracisme, contrairement à celles que la lauréate entreprend à l’encontre de ceux qui lui déplaisent. Richard Millet, évincé de Gallimard à la suite de l’affaire Breiwick, en sait quelque chose. Je n’ai pas persisté dans la lecture d’A. Ernaux, née en 1940 dans une famille modeste de province dont, ai-je cru comprendre, elle a gardé une forme de honte qui ne l’a pas empêchée de parvenir aux sommets de l’institution et, peut-être, de l’excellence littéraire. Papesse, dit-on à son propos ! Son ascension sociale lui est cependant comme un fardeau qui l’éloigne de ses racines et la place dans une forme d’équilibre précaire, comme si elle aurait préféré ne pas s’élever pour mieux inventorier à charge tous les obstacles qui empêchent l’élévation. Attitude bourdieusienne s’il en est ! Son œuvre est un combat pour la cause des femmes mené avec un acharnement qui va jusqu’à une intransigeance nourrie de colère que ses thuriféraires décrivent comme saine. S’égare-t-elle dans ses prises de position, ses postures anti-israéliennes, ses oukases militants ? Encore une fois, au pays de la liberté de pensée et de parole – notamment pour ceux qui pensent bien ! – elle en a parfaitement le droit. Traumatisée à juste titre par un avortement survenu avant les lois Weil - dont elle rend compte dans un livre, L’événement-, évoque-t-elle avec la même rigueur la culpabilité de la vie soustraite et le recensement des obstacles faits aux femmes ? Il arrive un instant dans la lecture où l’on a compris et dès lors on tourne en rond, prisonnier d’un prisme qui ramène toutes les questions à une seule… La représentation du monde est-elle unidimensionnelle et le jury Nobel a-t-il voulu récompenser le combat d’une femme pour la liberté sans cesse menacée des femmes ? Le fait de poser la question et de la poser en ces termes est doublement révélateur. Un prix de littérature est-il fait pour distinguer une cause militante ? Est-il fait pour respecter des critères de parité ? Il est vrai que les Nobel, depuis leur création, sont passés à côté de certains sommets tels Tolstoï, Borges, Proust, Céline, Bernanos, Musil, Broch… la liste est longue, on se demande à quoi ils pensaient. Il est vrai aussi qu’il y avait peut-être des auteurs vivants à distinguer plus 

salman rushdie

incontestablement, je pense à Kundera, Kadaré, Lobo Antunes, Salman Rushdie – quitte à faire passer des messages, n’était-il pas opportun de donner un signe fort pour la littérature menacée par l’intégrisme ? -, ou encore J Carol Oates – tiens, une femme !  Il n’en est pas moins vrai que les Nobel ont récompensé quelques grands noms, Hesse, Mann, Beckett, Faulkner, Canetti, Mahfouz, Kertesz, Pamuk, Handke… une liste incomplète en raison de mes lacunes de lecture. Celle liste donne cependant du prixau Prix ! Y figurer est un signe d’indiscutable de distinction et de mise en lumière. D’exposition médiatique, comme on dit en sociologie ! Le nom d’Ernaux, déjà connu, va envahir un peu plus les devantures des libraires et les sujets du bac de français. C’est peut-être le point le plus contestable : un signe est donné quant à l’idée qu’il convient de se faire de l’excellence littéraire française à travers une littérature de l’autofiction militante voire accusatrice et vindicative. Point de vision autre que celle des droits et des causes, certes nécessaire mais suffisante ? « Distinguer un écrivain ayant rendu de grands services à l’humanité grâce à une œuvre portant un puissant idéal », fut le dessein testamentaire du chimiste Alfred Nobel. Notre monde est éprouvé par le délitement de l’écosystème, l’effondrement de la maison France, le conflit de civilisations antagonistes et le spectre de la guerre qui n’a peut-être jamais cessé d’exister depuis 1945. Nous pouvions légitimement nous attendre à ce que soient avancées quelques plus grandes vertus romaines ! 

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Commentaires
E
Roland, peut-être pourras-tu nuancer ton propos, en regardant ce mercredi 19/10 l’émission « La grande librairie » entièrement consacrée à Annie Ernaux
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