Pastiche du 2 janvier

« Les cérémonies des vœux ont ceci de particulier qu’elles évoquent un futur qu’on ne connait pas… », déclare le président de la république, le 31 décembre au soir. J’en étais resté pour ma part à cette naïve idée selon laquelle gouverner c’est prévoir. Prévoir les tendances, parfois le pire, et, telle l’industrieuse fourni, engranger le grain pour ne point se trouver « dépourvu quand la bise fut venue ! » Si les mêmes causes produisent les mêmes effets, il suffit donc de les connaître. Les consultants élyséens ont planché. Selon eux, les grandes menaces qui pèsent sur le pays se nomment « émissions de CO2 » et « déterminisme familial ». Ainsi les énergies alternatives restent-elles une priorité, de même une société égalitaire, laïque, au sein de laquelle la religion sera entièrement « privée ». C’est oublier que les émissions de la minuscule France représentent moins de 0,1% au niveau de la planète, que l’outil nucléaire gaullien achèvera de se ruiner par négligence et que l’essence même de la religion, c’est de relier, religere en latin. Les religions continueront de « relier » au sein des communautés où elles sont vivaces. Mais peut-être les consultants ont-ils confondu religion avec foi, cette dernière étant, et elle seule, entièrement privée. Ils n’en sont pas à une approximation près, ils semblent par ailleurs ignorer que les hôpitaux, les écoles, les commissariats, etc., sont autant de navires à la dérive. Ils ignorent, ou feignent d’ignorer, que le déficit public devient abyssal, que les chiffres du chômage ne représentent pas le déficit des emplois, lui aussi abyssal. Ils soufflent dans l’oreille présidentielle que les prix resteront stables et que les impôts n’augmenteront pas. Il suffit d’y croire, fermer les yeux et faire un vœu, se tenir à égale distance de Charybde et de Scylla. Les consultants pourront féliciter leur poulain, s’il se présente à la présidence de la République, il saura au moins réussir le Grand Oral ! Un peu plus loin, à l’est de l’Europe, Franz Welser Möst dirige le Philharmoniker pour le Nouvel An viennois. La modernité avance, bancale, sans l’aide des traditions éprouvées !