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site de Roland Goeller
19 février 2023

Une longue descente aux enfers

L'affaire Palmade occupe désormais les médias presqu’autant que la guerre en Ukraine, que l’on aurait tort de croire tourner au désavantage des Russes et à propos de laquelle les dirigeants européens, Macron en tête et sans l’aval de leurs peuples, prennent d’inquiétantes postures picrocholines. Les trois victimes de l’accident de la route impliquant l’humoriste souffriront de séquelles irréversibles mais elles sont à peine mentionnées et c’est du conducteur responsable de l’accident dont on commente à longueur de journées les agissements, les antécédents, les circonstances atténuantes ou accablantes, l’illustration à travers sa personne médiatique d’une sorte de mal de vivre et de syndrome dont il est présenté tour à tour comme victime et comme responsable, un mal soudain révélé dans toute son horreur mais à l’œuvre depuis bien longtemps, et dans des proportions que personne n’avait osé imaginer – que l’on veuille se référer à l’œuvre de Brett Easton Ellis -, un mal qui dès lors apparait comme la question de bien public à traiter en priorité, ce qui ajoute d’autant plus de ridicule à ce pauvre gouvernement qui s’obstine dans une réforme des retraites, pourtant nécessaire, mais si mal préparée et si mal inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale (cette remarque ne constitue en rien une excuse à la délétère et improductive obstruction ellefiste à l’œuvre depuis l’ouverture des débats). Depuis dix jours qu’une malheureuse famille, une femme enceinte son cousin et le fils de ce dernier, a été broyée par un bolide venant en sens inverse, conduit par un humoriste toxicomane qui en a perdu le contrôle mais qui disposait d’assez de jugement pour ne pas consommer des stupéfiants ou, englouti dans la spirale de l’addiction, pour entreprendre une thérapie afin de ne, jamais, se trouver en situation d’en perdre le contrôle, que n’entend-on pas sur les radios et les chaînes de télévision en continu ? La décence interdit aux commentateurs, journalistes, sociologues, psychologues, juristes, etc. de nommer les choses – et donc mal les nommer – mais il apparait de plus en plus que le responsable, le seul responsable, de l’accident est considéré comme une victime, victime d’une addiction laquelle résulte d’un mal-être lequel résulte d’une perte de sens laquelle, etc. Et chacun de se demander, non pas comment on en est arrivé là, mais comment limiter les effets de ce mal voire seulement les contenir. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes (Chamfort). » Car ce mal que l’on ne nomme pas ainsi, on l’aime, on l’aime à la folie, on voudrait que pour rien au monde il ne soit abrogé et l’humoriste compte dans les rangs de ceux en qui il a commis le plus de ravages. On s’apprête même à le jeter en victime expiatoire à la vindicte populaire, immolation d’un bouc émissaire qui laisse entendre au peuple que sa plainte est entendue mais permet de continuer comme avant ! On ne s’en apprête pas moins à prendre des mesures, radicales, - pléonasme – pour sanctionner les conducteurs coupables de conduite sous l’effet de stupéfiants – avec quelles forces de l’ordre ? -, renforcer les contrôles aux frontières – lesquelles n’existent plus – déployer des effectifs de police supplémentaires – impossible à recruter par déficit abyssal des finances publiques -, construire des prisons – dans un avenir lointain -, etc. Il apparait que pour la plupart les personnes qui commentent et recommandent « chérissent elles aussi les causes… », même si elles se montrent plus aptes à en contrôler les conséquences. Ce cher Nicolas Chamfort est mort guillotiné aux temps de la Terreur dont il avait eu la prémonition, peu après l’exécution du Roy à l’issue d’un procès scandaleux, un certain 21 janvier 1793, événement qui marque sans doute une étape décisive dans le long processus d’émancipation de l’homme par rapport à Dieu – il aurait suffi de lire Kant qui avait fait la lumineuse démonstration que l’homme jouissait de la liberté, don suprême de Dieu – processus qui a commencé par l’ivresse d’un peuple ayant jeté à terre ses idoles pour s’achever en déréliction générale, mal-être sous assistance stupéfiée, à l’issue d’un long chemin de déconstruction en lequel les esprits progressistes s’obstinent à ne voir que les suites de l’émancipation. Le tailleur de pierre qui, au Moyen-âge a consacré sa vie, non à Dieu, mais à lui rendre hommage à travers son travail que souvent il avait l’humilité de ne pas signer, n’aurait jamais songé à conduire un bolide sous l’emprise de stupéfiants. On m’objectera à juste titre qu’il n’y avait alors ni bolides ni routes rectilignes ni stupéfiants, en dehors d’un peu d’hydromel. Mais, surtout, ce tailleur de pierre avait une tâche à accomplir - injonction qui désormais semble avoir perdu tout son sens – qui l’en aurait préservé !   

 

hieronymus bosch la tentation de St-Antoine

 

illustration: Hieronymus Bosch, La tentation de St-Antoine   

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