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site de Roland Goeller
9 janvier 2012

Exit 2011

L’année que nous venons de clore aura vu, en son mois de février, un séisme d’une rare violence secouer les côtes ouest du Japon, provoquer un tsunami d'une amplitude inconnue et transformer la centrale nucléaire de Fukushima en une sorte de gigantesque grenade dégoupillée qu’un doigt tremblant empêche encore d’exploser. Peut-être est-ce là la première chose à dire à propos de 2011, cet éternuement de "Gaïa" qui ébranle à la fois l’écorce terrestre et l’une des plus féroces certitudes sur lesquelles nous fondions notre foi en le progrès et la croissance du PIB. Pour faire bonne mesure, je voudrais évoquer quelque chose qui n’est pas (encore) événement quoiqu'en rapport même lointain avec ce qu’il s’est passé au Japon : il n’y a pas eu d’hiver en Aquitaine. Les matins surgissent avec un généreux 10 degrés. A peine trois jours de gelée en décembre, les nèfles prêtes à être cueillies, le pommier du Japon en fleurs. Tout le reste n’est que gesticulation humaine.

Parlons-en.

La crise des subprimes de 2008 se prolonge par une crise de la dette pour celles des économies européennes les plus fragiles, c’est-à-dire, hormis l’Allemagne, la plupart d"entre elles. A vrai dire il s’agit d’une crise de confiance : les créanciers ne croient plus les états trop fortement endettés capables d’honorer leurs dettes et se lancent dans des mécanismes d’assainissement qui fragilisent la zone euro, au sein de laquelle ces états ont scellé les solidarités à défaut des responsabilités. Les commentaires vont bon train, la presse (française du moins) s’évertue d’entretenir le fantasme du capitalisme sauvage et des financiers sans scrupules. Rarement on l’entend remettre en cause les politiques publiques dispendieuses, voire inconscientes, corrélées avec cet autre fantasme de l’état-providence. Les reportages mettent en scène l’accablement des grecs mais se gardent de mettre l’opinion publique en face de ses propres responsabilités. Les médias ont définitivement pris le parti du « flatteur qui vit au dépens de celui qui l’écoute ». Le tandem Sarkozy-Merkel multiplie les opérations de la dernière chance et, fait sidérant, il ne manque pas de fiers à bras pour leur souhaiter d’échouer.

Les partis d’opposition n’auront pas chômé non plus. Après avoir perdu leur vertueux candidat providentiel dans la suite 2806 du Sofitel de NY, ils ont offert aux français épris d’idéal, et au reste du monde hilare, le spectacle de leurs unions à géométrie variable, de leurs accords à durée de vie limitée et de leurs surenchères démenties par des lieutenants du lendemain. Complice, la presse a ouvert ses colonnes et ses pages comme si nous n’étions pas au grand-guignol. Le pays est aux abois mais le candidat sans programme produit une rhétorique consistant à comptabiliser ceux des échecs de son adversaire auquel son camp aura contribué, tandis que la candidate à programme anti-nucléaire multiplie les anathèmes.

Le monde méditerranéen aura lui aussi été traversé par des bouleversements. En Egypte et en Tunisie, les dictateurs sont chassés par des opposants que la presse occidentale, quasi unanime, n’hésite pas à comparer aux descendants des « sans-culottes » vainqueurs à Valmy. La France, à la suite d’une prouesse diplomatique du maire de Bordeaux, va jusqu’à prêter main-forte aux insurgés libyens. Mais les « printemps arabes » ne conduisent pas forcément aux étés de la démocratie. Et l’accession au pouvoir tunisien, de partis dits islamistes ne manque pas de poser question, peut-être parce qu’en Europe vit aujourd’hui une population musulmane nombreuse restée, parfois farouchement, fidèle à ses traditions.      

Un peu plus loin, dans le Nigeria de l’Afrique subsaharienne éclatent des affrontements ethniques et religieux qui pour l’heure font des victimes surtout chrétiennes. La mobilisation de la presse reste tiède et le monde associatif si prompt à descendre dans la rue pour d’autres causes reste frileux. Il y a dans cette considération polie voire indifférente des relents pavloviens de ce vieil anticléricalisme qui n’a plus lieu d’être et je m’étonne qu’au pays de l’indignation institutionnelle, on ne s’étonne pas plus souvent que les mobilisations citoyennes soient aussi ciblées.

Peut-être tout cela tient-il à une certaine radicalisation de la pensée. J’en veux pour preuves quatre exemples : la condamnation du président Chirac pour des faits remontant à 95, la persistance d’une élite dite progressiste à confondre avant-garde et anticléricalisme, la criminalisation des clients de la prostitution et l’extension du domaine de compétence des lois mémorielles. Ces quatre exemples appartiennent à des domaines très différents mais pourtant témoignent d’un point commun : l’action de chevaliers de la vertu civile et républicaine (cf Saint-Just) qui au nom de l’universalisme et de l’égalité imposent une pensée convenue et désormais institutionnelle et vident peu à peu la liberté de pensée de son apanage le plus consubstantiel, la tolérance.  

 

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Commentaires
S
Elle n'est garantie que par nos institutions, car, au fond, elle est "contre-nature"! Spontanément, elle est refusée. Car une pensée contraire à la sienne est vécue comme fausse. <br /> <br /> Je ne suis pas sûr que notre époque soit pire que celles qui l'ont précédée.
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