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site de Roland Goeller
26 août 2012

Du serment au contrat

Echanger c’est donner quelque chose contre autre chose, souvent contre de l’argent, lequel est la forme commune et monétaire de l’autre chose. Il y a une difficulté majeure dans l’échange : s’assurer que la chose donnée « vaut » la chose reçue. S’assurer que la tonne de blé vaut le quintal de cacao, s’assurer que la tonne de pétrole brut vaut un brevet de technologie, s’assurer que le baiser reçu vaut le baiser donné.

A la fois en quantité et en qualité. En quantité parce qu’une tonne de blé pourrait valoir deux quintaux de cacao. En qualité parce qu’un brevet pourrait donner accès à une technologie déjà dépassée. Quant au baiser … !

Dans chaque échange se posent dès lors deux questions. Ce que l’autre me propose n’est-il pas surévalué ? (est-ce qu’il ne cherche pas à me faire croire que cela vaut plus qu’en réalité ?) Ce qu’il me propose n’est-il pas faisandé ? (est-ce qu’il n’est pas en train de me refourguer de la camelote avariée en lieu et place de camelote saine ?) Comment savoir ?

Lorsque Marco Polo ouvrit vers l’Orient la route de la soie et des épices, il n’y avait ni OMC, ni barrières douanières, ni instances de régulation quelconques. A peine savait-on que la Chine existait et que la terre était ronde. Lorsque les chinois virent débarquer ce vénitien téméraire, ils inclinèrent légèrement la tête, sans le quitter des yeux et lui opposèrent un sourire énigmatique. Je suppose qu’il fallut à Marco Polo des jours, des semaines, voire des mois de présence et d’humilité pour paraître aux yeux de ses hôtes un « étranger crédible » avec lequel faire des affaires. Il fallut tout ce temps pour que se construise le « serment des yeux », ce regard muet que l’on échange avant que d’échanger les biens, et qui signifie : « tu peux me faire confiance, je ne te trompe pas sur ce que je t’offre ».

Le répondant, la caution du serment résident dans la certitude que l’autre est un homme de parole donnée « les yeux dans les yeux », et que la parole donnée ne saurait être reprise sauf à commettre une offense.

 

Si le serment engage la parole et l’honneur, urbi et orbi, il en va tout autrement du contrat.

Ceux qui signent les contrats agissent au nom de …, ou pour le compte de …. Ceux qui les signent sont rarement ceux qui en exécutent les termes. Dans un contrat, on prend soin de définir un maximum de modalités, où, quand, combien, à quelles échéances, quels conditionnement, quelles pénalités, quelles mesures en cas de manquement …,  La quantité potentielle de filouteries augmentant, les contrats actuels ont pris la forme de pavés accessibles aux seuls gens de droit.

Nul ne songerait à ne pas respecter un serment, il y va de son honneur. Dans un contrat, à l’inverse, les précautions prises pour en garantir l’exécution supposent que les contractants ne songent qu’à le contourner ou se trouver des excuses pour ne pas le respecter. Le serment est gagé sur l’honneur, le contrat sur la pénalité. Du reste, les signataires de contrats ont souvent le regard torve ou amusé de celui qui n’en croit mais.  

Aussi les meilleurs contrats sont-ils ceux que signent des protagonistes qui se connaissent assez pour gager leur signature sur le « contrat des yeux ». 

 

Le serment est la forme la plus aboutie du libéralisme. Une succession de serments constitue un lien qui  relève de la "main heureuse" de Smith. 

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