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site de Roland Goeller
16 janvier 2012

La droite entre convictions et opportunisme

On finit toujours par épouser le contour de nos adversaires. Depuis que les sans-culottes ont guillotiné le roi, à la fois en personne et en symbole, l’idéalisme a pris ses aises et ses quartiers de noblesse en terre de France. Précisons les choses, car il s’agit d’un idéalisme philosophique mais aussi politique. Au pouvoir défunt, légitimé par le divin, succéda le pouvoir issu du peuple, un peuple auto-proclamé souverain. Nulle part ailleurs qu’en France ce paradigme n’a trouvé une expression aussi aboutie. En dehors du peuple, rien n’existe, un peuple en marche vers la lumière à défaut de posséder la lumière infuse. Le peuple souverain règne sans partage, sans dualisme même le plus élémentaire (celui du yin et du yang), et confine la pensée dans un absolu sans mise en perspective possible. Car le peuple souverain est aussi seul juge : tout contradicteur est un opposant voire un ennemi, suspect et suspecté.

La droite française depuis est nimbée du halo sulfureux de la contre-révolution. Aux yeux des porte-parole du peuple souverain, la droite est forcément régressive, réactionnaire et, tant qu’on y est, esclavagiste, xénophobe, vichyste … Aussi un homme de la droite de nos jours doit-il d’abord prouver son innocence, comme dirait Camus. Il doit se justifier de ne pas être tout ce dont on l’accuse a priori. Un adolescent intéressé par les questions politiques se positionne spontanément à gauche. A 20 ans, on a le cœur à gauche …, dirait d’Ormesson. On le comprend. Comment ne pas être séduit par ce beau discours d’égalité et de fraternité, d’indignation et de lutte contre les inégalités et les discriminations. Mais le temps passe et peu à peu les discours révèlent leur vrai visage. Peu à peu les yeux s’ouvrent sur de trop lumineuses évidences, quoique les yeux de certains ne s’ouvrent jamais. La réalité est têtue. Les principes, humanistes, certes, doivent guider la définition des finalités mais les objectifs quant à eux s’expriment en termes de commerce, de production, de compétences, de mérites, de ressources et de gestion. L’accomplissement de finalités suppose la définition d’objectifs réalistes et pragmatiques, même si certains objectifs intermédiaires peuvent avoir des apparences franchement « contre-révolutionnaires ».

On devient « de droite » avant tout par pragmatisme. Les ressources ne sont pas illimitées, leur mise en œuvre suppose planification et gestion, donc priorités, renoncements, arbitrages, stratégies, accords …, toutes choses qui hérissent un esprit de gauche, aux yeux duquel il faut « tout faire tout de suite ». Tout faire tout de suite, cela conduit à l’impasse de 1983 et à l’introduction de la real-politik dans le slogan "changer la vie". La réalité est têtue. Les hommes de droite savent que la raréfaction des ressources implique des restrictions dans les affaires publiques ..., savent qu’il convient d’adapter le niveau des dépenses à celui des recettes. Cela s’appelle un budget. Construire un budget implique la définition d’un corps de valeurs sur lesquelles appuyer les principes budgétaires. Par exemple selon quelle philosophie organiser la mutualisation des dépenses de santé et la solidarité intergénérationnelle. Il n’y a pas d’homme de droite qui soit contre cela. Cependant le niveau de mutualisation et de solidarité dépend des performances de l’économie, ce à quoi ne saurait consentir un esprit de gauche pour qui les finalités, égalité, droits de l’homme …, ne sauraient être assujetties à de « basses considérations mercantiles ». A l’inverse et au nom du pragmatisme, l’homme de droite assume les « considérations mercantiles » lesquelles ne sont pas basses mais inéluctables. Face à lui, l’esprit de gauche ne capitule jamais. Tenu de prendre en compte l’intangibilité de l’économie mais refusant les compromis, l’esprit de gauche « invente » des solutions-miracles. Ainsi, du partage du travail avec les 35 heures (en 2001) et l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans (en 1982), des mesures que les responsables de gauche continuent de présenter dans leur panoplie.

La peur-panique d’être assimilé à un « sale type de droite » conduit les gens de gauche à l’aventurisme et la surenchère, tandis qu’échoit toujours à l’homme de droite le rôle ingrat de celui qui « siffle la fin de la récré ». L’allongement de la vie active (les réformes de la retraite de 2003 et 2009) est une mesure de bon sens dans un contexte d’allongement de l’espérance de vie. Quant au partage du travail, le poids croissant du « social » dans le coût du travail prive ce dernier de compétitivité. La création d’emplois attendue s’est soldée par des destructions et des délocalisations. L’industrie française en a été durablement affaiblie. La réalité est têtue, mais la gauche persiste en brandissant des créations d’emplois non marchands (fonctionnaires) tandis que la droite s’échine à expliquer que les emplois non marchands émargent à la colonne « dépenses » du budget.

La réalité est têtue. C’est d’avoir voulu l’ignorer que les droits des créanciers sont devenus aussi importants voire plus que les droits de l’homme. Face à l’idéalisme souvent angélique, parfois cynique, de la gauche, la droite en arrive à désespérer. Elle devient alors bling-bling. Elle fait son boulot mais soigne les copains et se « sert au passage des plats ». Sourcilleuse, la gauche a raison de dénoncer ces excès, elle dont la vertu est la spécialité, elle qui jamais n’a perdu de candidat dans la suite d’un hôtel de NY, elle qui n’est responsable de la banqueroute de nulle collectivité territoriale, elle qui jamais n’a augmenté le train de vie de ses sénateurs et ne s’oppose en rien à ce qu’on en diminue le nombre. La réalité est têtue et impose le pragmatisme. Aussi, face à une gauche sclérosée dans ses schémas de pensée, n’est-il pas surprenant que la droite, parfois, oscille entre convictions et opportunisme.  

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Commentaires
S
Tout à fait d'accord avec votre description du parcours habituel de gauche à droite, l'inverse étant rarissime et très suspect. J'ajouterai un facteur, la découverte de la réalité de l'homme, et l'effondrement de l'angélisme "rousseauiste" qui plait aux jeunes.
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